On a croisé le réalisateur palestinien originaire de Gaza lors de son passage à Paris après avoir visionné Songe, son dernier film qui retrace l’épopée d’un jeune garçon à la poursuite de son pigeon voyageur. L’occasion pour nous de l’interroger sur son rapport au rêve et à la réalité. Et sur ce que le cinéma peut apporter dans une région tourmentée.
Il voit, il écrit, il réalise, et surtout il rêve. Son travail est une alchimie d’histoires, de travail et de rencontres. La réalité a besoin du rêve, et le rêve élève la réalité. Ses films sont des témoignages. Partager des histoires, pour protéger la mémoire et la culture de ce pays. Inscrire l’existence de son peuple dans une Palestine immuable. Pour lui, si les frontières sont des trésors de guerre, « les immeubles peuvent disparaître, mais la langue, les histoires, la culture sont imprenables », l’empreinte humaine est indélébile. On l’écouterait des heures nous parler dans sa langue personnelle, sage et poétique « Pour survivre, on a besoin de pain et de cinéma ». Cette vision du cinéma plus social que politique, est partagée avec la productrice Laura Nikolov qui l’accompagne sur plusieurs projets. « C’est l’art et la création artistique qui te raccrochent à ton humanité et qui font de toi un être humain », surenchérit-elle en faisant allusion à leur récent projet From ground zero.
Lorsqu’on le rencontre après avoir visionné Songe, on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec ses personnages principaux. Son regard brillant, sa voix tranquille, son acte de résistance à travers le cinéma, ce sont les yeux du jeune Sami, la sérénité de l’oncle Kamal et le caractère frondeur de la jeune Marian, sans oublier la mère de Sami qui fait une brève apparition, assez pour voir que la blessure reste ouverte. Comment dès lors, ne pas penser qu’il s’agit là peut-être de l’un des films les plus personnels, voire intime du cinéaste ?
Marqué par le cinéma italien comme Cinema paradisio de Giuseppe Tornatore pour son empreinte sociale et le cinéma iranien pour la subtilité de ses messages. Il a une façon unique de conceptualiser, dans un seul titre, tout son procédé de création artistique : From ground zero, Ecrire sur la neige, pour exemple. Rashid Masharawi travaille actuellement sur une nouvelle fiction avec sa fidèle productrice Laura Nikolov. Un film choral dont le tournage est prévu en Jordanie. Il y sera question d’un mariage, et le titre du projet encore conceptuel mettra en scène une galerie de personnages qui se retrouvent à Aman « Les enfants du pays ». Une expression encore différente de son art qui ne cesse de tracer l’œuvre d’une vie.
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