Rapaces explore les coulisses du journalisme d’investigation à travers une enquête sur un féminicide. Un thriller intense, mais parfois hésitant, qui interroge notre rapport au sensationnel.
Dans un été ciné plutôt calme, Rapaces, le nouveau long-métrage de Peter Dourountzis (Vaurien), débarque en salles le 2 juillet 2025. Thriller sombre aux accents sociaux, le film suit Samuel (Sami Bouajila), journaliste d’investigation sur le retour, embarqué malgré lui dans une enquête sur un féminicide particulièrement sordide. À ses côtés, sa fille Ava (Mallory Wanecque), venue faire son stage dans la rédaction pour se rapprocher d’un père qu’elle connaît mal. Ce duo mal assorti découvre rapidement des similitudes entre plusieurs affaires de femmes assassinées à l’acide, ouvrant la voie à une piste bien plus inquiétante.
Mais derrière ce fait divers, Rapaces propose aussi une réflexion plus large sur le journalisme contemporain : ses méthodes, ses limites, et les frontières floues entre enquête, opportunisme et voyeurisme. Un film qui interroge, parfois brillamment, parfois maladroitement, notre propre rapport à l’information et au scandale.
Avec Rapaces, Peter Dourountzis nous plonge dans les coulisses du journalisme d’investigation, là où la quête de vérité flirte dangereusement avec le sensationnalisme. Sur le papier, le pitch est prometteur : un journaliste expérimenté embarque sa fille en stage sur une enquête autour d’un féminicide à l’acide. Très vite, les similitudes entre plusieurs affaires laissent entrevoir un tueur en série. Mais au lieu de resserrer la tension, le récit se disperse.
Le film se perd dans une première partie alourdie par des intrigues et des personnages secondaires peu utiles. Cette structure, plus adaptée à une série, donne l’impression d’un univers déjà établi, où le spectateur aurait manqué les épisodes précédents. Le rythme en pâtit, et l’engagement émotionnel aussi. Dommage, car Rapaces possède pourtant de vrais moments de cinéma, notamment deux scènes d’une intensité rare : une filature nocturne qui glace le sang, et un face-à-face en restaurant tendu comme un fil.
Le véritable fil rouge du film, c’est la relation entre Samuel (Sami Bouajila) et Ava (Mallory Wanecque). Le premier incarne avec sobriété un journaliste fatigué par les compromissions du métier. La seconde, lumineuse et instinctive, impose une belle présence. Leur dynamique, faite de non-dits, de maladresses et d’une envie mutuelle de renouer, touche juste. Ava, venue faire son stage pour se rapprocher d’un père qu’elle connaît peu, devient peu à peu le miroir de sa propre désillusion.
Mais au-delà de cette trame intime, Rapaces propose une lecture en creux du monde médiatique. Le personnage de Christian (Jean-Pierre Darroussin), vieux briscard de la rédaction et collègue fidèle de Samuel, guide la jeune Ava dans ce milieu où cynisme et efficacité font souvent loi. À demi-mot, il lui confie : « Ce n’est plus vraiment du fait divers, tu sais… c’est plutôt du fait diversion. » Une réplique aussi amère que lucide, qui résume à elle seule la mécanique d’un journalisme qui s’alimente de chocs émotionnels plus que de vérités profondes.
Qui sont les vrais rapaces ? Les journalistes prêts à tout pour un scoop ? Les criminels en quête de spectacle morbide ? Ou les spectateurs eux-mêmes, avides de récits sanglants et de sensations fortes ? Dourountzis n’impose pas de réponse, mais sa mise en scène sobre laisse planer une forme de malaise qui persiste après le générique.
À bien des égards, Rapaces est un film frustrant. Il frôle des réflexions passionnantes sur la violence, le rôle des médias, la consommation de l’horreur, mais n’ose jamais les affronter frontalement. Le féminicide, pourtant point de départ de l’intrigue, devient un simple prétexte narratif, relégué au rang de fait divers. Un comble, dans un film qui prétend justement dénoncer cette dérive. Un tel sujet aurait mérité un traitement plus profond.
Techniquement, la mise en scène reste sobre et maîtrisée, sans effets superflus. La tension s’installe par touches discrètes : silences, regards, hors-champ bien dosés. Pourtant, on ressort de la séance avec une forme de frustration. Le film semble réellement démarrer dans son dernier acte, là où l’intrigue prend enfin de l’ampleur et où le suspense fonctionne. Avant cela, l’ensemble reste assez plat, comme retenu, à distance de son propre sujet. Rapaces se laisse regarder, mais donne l’impression d’avoir trop tardé à trouver son rythme.
Le film de Peter Dourontzis questionne brillamment, mais avance prudemment. Malgré un duo d’acteurs convaincant et quelques fulgurances de mise en scène, le film reste en surface là où il aurait pu plonger en profondeur. Un thriller regardable, qui nourrit la réflexion… mais laisse en bouche le goût amer d’une occasion manquée.
Rapaces au cinéma le 2 juillet.
Visuel : © Zinc.