Le 11 décembre 1989, une centaine de fans se pressaient devant l’Élysée Montmartre pour voir Neil Young. Seul sur scène, guitare en main, il leur a offert dix-sept morceaux avec une maîtrise impressionnante. Trente-trois ans plus tard, sa femme Daryl Hannah l’a filmé pendant une tournée solo post-covid sur la côte ouest. On y retrouve le même homme, partageant sa musique avec des milliers de spectateurs. C’est ce film que nous explorons ici.
Pour cette tournée, Neil a parcouru les routes côtières dans son bus Silver Eagle des années 70, véritable maison roulante. À l’intérieur, il transporte tout son monde : Daryl bien sûr, son fils Ben en fauteuil roulant, ses deux gros chiens, l’incontournable Jerry Don Borden, son chauffeur, son téléphone à clapet qu’il utilise pour caler sa cigarette et son mug Willie Nelson.
« Ce sera la première fois que je jouerai devant quelqu’un depuis près de quatre ans », déclare le chanteur folk-rock. « Je suis pétrifiée. »
Le film, entièrement en noir et blanc, alterne entre caméras fixes dans le bus et prises de vue mobiles sur scène et en extérieur. Certains plans sont incrustées de dessins animés artistiques.
Les scènes sur la route montrent surtout des conversations entre Neil et Jerry. Ces échanges, souvent anodins, peuvent parfois ralentir le rythme du film, jusqu’à amener l’ennui. En revanche, les moments sur scène révèlent un Neil Young détendu, comme chez lui, plaisantant avec le public entre les chansons. Il a aussi amené son univers musical : un piano droit loué dans les années 60, une superbe guitare Martin D45 offerte par Steve Stills (« J’ai écrit beaucoup de chansons sur cet engin ! »), et un vieil harmonium en bois foncé qui donne des sonorités étonnantes sur « Mister Soul ». Dans un coin, un petit train électrique tourne autour d’une sorte de cheminée métallique.
Malgré son apparente simplicité, le film nous montre un artiste vivant dans son monde, un peu nostalgique, entouré des siens et visiblement indifférent à son statut de légende. Sa veste de travail tachée de peinture, qu’il porte durant tout le film, illustre bien ce détachement.
Côté musique, on retrouve des morceaux déjà présents sur l’album « Before and After » sorti en 2023, mais avec des interprétations différentes. On le voit d’ailleurs écrire ce titre sur le sable au début du film, avant qu’une vague ne l’efface pour faire apparaître « Coastal ». Il nous fait voyager à travers ses différentes époques : Buffalo Springfield avec un magnifique « Expecting To Fly » au piano, sa période avec Booker T. & the M.G.’s sur un émouvant « When I Hold You in My Arms », ou encore sa collaboration avec Pearl Jam sur un intense « I’m the Ocean ». Le public chante avec lui sur un entraînant « Love Earth » et c’est très sympathique.
Neil Young fait partie de ces rares artistes, comme Bob Dylan ou Joni Mitchell, qui nous font redécouvrir leurs chansons à chaque nouvelle interprétation. Puisant dans son immense répertoire de plus de cinquante albums et coffrets, il voyage dans le temps comme seul Paul McCartney peut encore le faire aujourd’hui.
En résumé, contrairement à « Harvest Time », ce film plaira surtout aux fans inconditionnels. Pour les autres, mieux vaut écouter l’album complet pour s’immerger dans l’univers du « Loner ».
A ce jour il a été programmé dans quelques salles, pour un soir. Espérons une sortie plus large dans un avenir proche. Et ne manquez pas son concert (un peu cher, certes) à l’Adidas Arena le 13 juillet prochain. Ce sera, comme toujours avec lui, un moment rare.
Visuel : ©Daryl Hannah