Écrans

Mort de Donald Sutherland, acteur de génie à la présence unique

par Geoffrey Nabavian
21.06.2024

La mort de l’acteur canadien à 88 ans amène à se souvenir des prestations inoubliables qu’il livra dans des classiques du cinéma américain et italien.

Sa silhouette de vampire et ses yeux hallucinés et si expressifs s’en sont allés : Donald Sutherland n’est hélas plus, emporté à 88 ans le 20 juin dernier. Il imposa de rôle de premier plan en rôle de premier plan sa présence exceptionnelle, assez peu comparable.

Des Etats-Unis à l’Italie

On le remarque tout d’abord, à ses débuts, dans le bon Les Douze Salopards (1967), où il est l’un des fameux repris de justice recruté pour une opération kamikaze pendant la Seconde Guerre mondiale, et dans le médiocre (désolé) M*A*S*H* de 1970, dans lequel il tient le rôle central, infirmier américain totalement obsédé officiant – façon de parler – pendant la Guerre de Corée. Puis viennent Klute (1971), qui lui offre un rôle d’enquêteur totalement culte, et aussi Ne vous retournez pas (1973). Assez déroutant à la première vision, lui le plonge dans la peau d’un personnage évoluant dans une Venise menaçante, sur les traces du fantôme de sa fille. En 1976, Le Casanova de Fellini se révèle une expérience italienne très concluante : magnifique, le long-métrage donne à voir un Donald Sutherland arborant un jeu qui laisse voir peu de choses au premier abord, avec un visage de beau mannequin de cire. Pour mieux se fêler progressivement, bien entendu. Un peu avant, il éblouit dans 1900, en opérant dans un tout autre registre : il y est Attila, fasciste fou, personnage inoubliable. Le cinéaste aux commandes, à savoir Bertolucci, a beau ne plus guère être très fréquentable, et une scène de 1900, avec Burt Lancaster dans une étable, demeurant carrément douteuse, Attila reste, lui, en tête.

Des profanateurs au Président Snow

Son autre rôle culte, enfin, des années 70, sera celui qu’il tient dans L’Invasion des profanateurs en 1978, où, au terme de son combat contre des extraterrestres possédant les corps humains, il s’illustre dans une scène de cri muet totalement emblématique. Puis en 1980, on le remarque encore dans Des gens comme les autres, en père de famille qui réinterroge son rapport aux siens après un grave décès. Peu de temps après, un de ses fils, le désormais célèbre Kiefer Sutherland, commencera à avoir du succès comme acteur. Néanmoins, les années 90 de Donald Sutherland sont un peu moins classiques (Backdraft, JFK où il tient un rôle secondaire, Haute trahison, Le Témoin du mal…). La décennie 2000 sera un peu similaire, même si Clint Eastwood lui offre Space Cowboys. Enfin, les années 2010 viendront lui redonner la notoriété qu’il mérite : il endossera le rôle de l’ennemi à abattre dans la saga à l’immense succès Hunger Games, le Président Coriolanus Snow. Un emploi qui lui permettra de montrer à nouveau l’étendue de son charisme. Mais qui reste loin de ses rôles des années 70, sa période réellement faste. Un temps où il impressionnait, par sa manière d’immédiatement imposer au sein des images une silhouette unique, quasi toujours reconnaissable – et disparaissant pourtant aussi au profit des personnages – avec en elle une âme incandescente, passionnante à admirer et à explorer.

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