Le documentaire d’Alain Tyr, Méliès, son dernier tour! (2023) es projeté au Méliès de Montreuil, le 8 décembre 2023 à 20h, puis sur Ciné+, le 24 janvier 2024 au soir. Une œuvre qui retrace la vie du créateur du « spectacle cinématographique » sous forme d’entretiens et d’extraits de films.
Georges Méliès (1861-1938) exploite avec génie le cinématographe Lumière qu’il découvre en 1895 en adaptant pour ce médium les tours de prestidigitation qu’il pratique au théâtre Robert-Houdin acquis par lui en 1888. Il découvre, dit-il, « par hasard » le truc de « l’arrêt de caméra » (déjà connu selon les historiens par les opérateurs Edison) : « C’est tout simplement un blocage d’appareil qui s’est produit place de l’Opéra pendant que je prenais les voitures qui passaient devant moi. Tout à coup, l’appareil s’arrête. Le temps qu’on le débloque, naturellement, les voitures avaient changé de place. J’ai eu la surprise, après collage, de voir tout d’un coup apparaître à la place d’un omnibus Madeleine-Bastille un corbillard, avec la famille qui suivait derrière. »
L’arrêt de caméra, utilisé de manière systématique, rend aussi possibles les films photographiques d’animation. Pour les réaliser avec précision, Méliès fait construire à Montreuil un studio de cinéma où pénètre la lumière naturelle à travers des baies vitrées, qu’il équipe, ainsi que le rappelle Aude Bertrand, de trappes et de poulies permettant de changer de décor comme au théâtre Robert-Houdin – sans parler des fonds noirs facilitant les surimpressions. Le hasard objectif veut que le pionnier du film d’animation, Émile Reynaud, soit natif de Montreuil.
L’arrière-arrière-petite-fille de Méliès, Pauline Duclos-Lacoste insiste sur son travail d’artisan : il a créé un studio dans son jardin, déjeune avec ses acteurs et actrices, dessine décors et costumes, joue et danse dans ses films. À 13 ans, sa fille Georgette devient la première opératrice de cinéma de l’histoire. Serge Bromberg précise que Méliès mène alors grand train sans cesser de créer. Ce laps de temps qui va de l’attraction foraine à l’industrialisation du film est pour lui un âge d’or. Bromberg note qu’à partir de 1908, « des tombereaux de productions » en tous genres – aventures, westerns, drames – déclassent les féeries poétiques de Méliès. En outre, son association en 1910 avec Pathé qui lui fait hypothéquer son domaine montreuillois le conduit à la faillite.
Sans espace où stocker ses 520 films, pris d’un accès de rage, il brûle ses œuvres et devient vendeur à la boutique de jouets que possède sa deuxième femme, Fanny (Jehanne d’Alcy à l’écran), gare Montparnasse. Le Studio 28 organise en 1929 un gala en son honneur salle Pleyel où sont projetés 8 films retrouvés : Illusions fantaisistes, Papillon fantastique, Le Juif errant, Le Locataire irascible, Les Hallucinations du baron de Munchhausen, Les 400 coups du diable, Le Voyage dans la lune, À la conquête du pôle. Lui et Fanny s’installent à la maison de retraite des artistes créée en 1932 à Orly. Franck Petitta obtient du maire d’Orly en 1999 que soit installée dans l’ancienne maison de retraite une école d’art qui, à l’instar du cinéma de Montreuil, porte le nom de Georges Méliès.
Visuel : Jehanne d’Alcy en 1902, photogramme de Méliès, son dernier tour !