Après avoir montré il y a quelques années son court-métrage sur le même thème au Festival International du film de Saint-Jean-de-Luz, Lawrence Valin a livré cette année un petit chef-d’œuvre au festival qui promeut les cinéastes du futur. Son premier long-métrage est un film dense, bourré de références, entre mafia et espionnage.
Tout se déroule dans le quartier de « Little Jaffna » à Paris. Au cœur d’une communauté tamoule vibrante, Michael, un jeune policier, est chargé d’infiltrer un groupe criminel connu pour extorsion et blanchiment d’argent au profit des rebelles séparatistes au Sri Lanka. Mais à mesure qu’il s’enfonce au cœur de l’organisation, sa loyauté sera mise à l’épreuve, dans une poursuite implacable contre l’un des gangs les plus cachés et puissants de la capitale.
On peut dire sans se tromper que Lawrence Valin a fait un tour à 360° sur lui-même pour fictionner cette histoire de gangster dans les communautés sri-lankaise et indienne de Paris. Un film d’une densité incroyable qui mêle ses références personnelles avec des clins d’œil au cinéma américain, français et Kollywood (cinéma du sud de l’Inde). Un film aussi qui questionne l’appartenance à un clan, une nation, un métier. Un film encore qui interroge l’identité, la culture, les valeurs. Un film enfin qui nous intronise dans la culture tamoule et nous renseigne sur les enjeux nationaux de ce peuple qui livre une bataille sourde.
Infiltré avec lui, on s’attache à la loyauté de cet affranchi qui invente un nouveau flegme proche de celui de Forest Withaker entre détachement et philosophie. Les gangs sont subtilement incarnés, laissant la part au lien sacré de l’amour de la famille et au romantisme. Et l’on se fait cueillir par le rythme rapide du film avec sa bande-son qui gronde progressivement rendant plus aiguë la révolte d’une cause lointaine ; et ses chemises criardes qui exultent faisant exploser le plafond de verre d’un casting exclusivement franco-tamoul d’ordinaire invisible dans le cinéma occidental.
Il a fallu sept ans de réflexion et de travail au réalisateur pour arriver à synchroniser : la part de son identité, la conscience de ce qu’il projette, et les légendes du 7ème art qui l’ont fait rêver. Pour en faire un objet cinématographique, Lawrence Valin a pris un risque inouï en construisant un polar violent sur une communauté connue pour sa discrétion. Pour cela, il s’est offert le luxe d’incarner ses propres fantasmes de héros énigmatique dans la peau de « monsieur tout le monde » combattant de l’intérieur une mafia puissante. Et pour projeter son univers, il a tramé finement l’histoire du film à la grande Histoire d’un empire via la rébellion tamoule au Sri-Lanka.
Pour autant, il n’a pas concédé au courage de cette mise en abyme, son petit plus indéfinissable de fantaisie que l’on retrouve dans les décors d’excavation à la Indiana Jones, sous la ville de Paris. On retrouve aussi cette liberté dans les personnages du gang sapés comme des stars de football. Le scénario est déroutant et tout aussi foisonnant, à la fois cruel -et oui, les gangsters sont méchants- mais tendre avec une noce angélique à la West side story.
Ça sonne tellement vrai. Les références du genre sont là avec quelques trouvailles qui les réactualisent. Ça tourne vite, très vite et tout est parfaitement aligné comme dans le mouvement d’une hélice, que l’on croit découvrir une vérité sur les tamouls et sur les sous-sols de Paris. En résumé, c’est un film inédit mais édifiant, colérique mais tendre, déroutant mais instructif.
On a adoré, et le jury aussi, présidé par Zabou Breitman et notamment Alexis Michalik qui ont attribué le prix d’interprétation à Lawrence Valin, pour son rôle principal (il est aussi le réalisateur). Le jury jeune aussi a doté le film de leur prix, encourageant à l’écriture du prochain projet par une bourse du Fonds de dotation Porosus, partenaire du Festival International de Saint-Jean-de-Luz.
Sortie prévu en 2025