C’est la 5e fois que le réalisateur finlandais Aki Kaurismäki concourt pour la Palme. Et malgré beaucoup de charme, Les Feuilles mortes n’auront pas la palme.
Deux âmes solitaires et perdues entre deux âges se rencontrent à un karaoké. Elle se reconnaissent immédiatement, mais les aléas de la vie (et les tramways d’Helsinki) se mettent en travers de leur vraie rencontre. Heureusement, il reste les cafés et les cinémas à ces deux amants qui ont chacun leurs casseroles. Et qui ont surtout du mal à survivre dans un système capitaliste impitoyable pour les ouvriers…
Kaurismäki renoue en effet avec un thème qui lui est cher, qu’il avait par exemple creusé dans La Petite Fille aux allumettes (1900), et qui est celui de la plongée en milieu ouvrier. Vu de Cannes, cela semble très proche de Ken Loach, avec une volonté de rendre ces travailleurs intemporels : lui est logé par son employeur comme au début du 20e siècle, côté technologie, ils sont restés addicts à la radio et la musique est délicieusement rétro.
Alors qu’on retrouve la lumière et la mise en scène si spécifique de Kaurismäki, c’est en effet le son qui donne du relief à cette histoire d’amour toute simple. La radio bastonne des nouvelles de la guerre en Ukraine et la BO est irrésistible, comme un vieux juke-box joliment rouillé qui diffuserait des chansons dans toutes les langues de l’Union Européenne. Pour finir sur les fameuses « feuilles mortes ». Le tumulte du monde extérieur entre donc en résonance avec la rencontre amoureuse, comme une déclaration d’amour à l’Europe, malgré les difficultés et les déflagrations. C’est fin, c’est lumineux, mais peut-être moins puissant ou « urgent » qu’un film comme Le Havre. Il serait difficile pour le réalisateur finlandais d’obtenir la palme avec son film le plus réservé.
Les feuilles mortes, d’Aki Kaurismaki, avec Alma Pöysti et Jussi Vatanen, 2023, Finlande, 81 minutes, En compétition officielle au 76e Festival de Cannes, Sortie française le 20.09.2023
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