Armé de peu d’effets, et conduit de manière assez littérale, ce film fantastique français atteint au crédible. Et à une poésie macabre terreuse.
Il y a peut-être plusieurs voies pour se faire cueillir par un film comme Le Vourdalak. On avoue ici que celle qui nous a excité reste la manière dont le long-métrage campe le cadre de son histoire. On n’a pas entendu son réalisateur, Adrien Beau, nous expliquer ce qu’il avait voulu faire. On admet ne pas connaître la nouvelle fantastique de Léon Tolstoï qui sert ici de base. Et l’on ne se rappelle hélas que partiellement du segment qui la transposait au sein des Trois Visages de la peur de Mario Bava. Passé le début, où on se dit « voilà un film fait avec peu d’effets, et peut-être de moyens », on peut juger que le cadre est figuré de manière cohérente.
C’est que le film suit un noble français perdu dans un coin montagneux des pays de l’Est, recueilli pour quelques nuits chez une famille chassant pour se nourrir. Leur maître à toutes et tous, le grand-père, est parti justement en quête de gibier, et les a prévenus qu’il risquait de croiser un Vourdalak, un être maléfique aux habitudes de vampire. Or il revient, et reprend sa place de maître. Même s’il n’est plus le même…
Alors que ce récit débute, on apprécie les attitudes et réactions des personnages : le fils aîné qui voue un respect sans borne à son père de retour, malgré son étrange aspect, la fille tenue pour folle… On aime que ces comportements soient figurés de manière un poil exagérée. Certains spectateurs trouvent qu’ainsi, elles contribuent à faire du film un conte universel parlant d’aujourd’hui. On peut aussi les juger comme crédibles et à la limite du réalisme, tant on trouve que le long-métrage croit à l’histoire et au temps qu’il montre. On sent qu’il cherche avant tout à raconter son récit, de façon littérale. Et il a la très bonne idée de donner du relief à chaque situation. Enfin, pour figurer et suggérer ce monde, l’image arbore un grain apparent. On se met vite à apprécier le goût terreux qui émane d’elle.
Ne reste plus dès lors qu’à suivre les protagonistes au sein de l’intrigue mystérieuse où ils se trouvent plongés. Le tout au gré d’un rythme un peu heurté, qui s’en remet surtout à leurs humeurs pour progresser. C’est qu’à l’écran, on les voit surtout être bousculés, esclaves de leurs croyances ou de leur méconnaissance, ou encore tout simplement de leurs peurs. Autant de sentiments dont profite avec délectation le grand-père changé. Qui hypnotise, de par sa figure et son phrasé délicatement distillé tel un venin tout doux par la voix du réalisateur lui-même. Et de manière naturelle, les thématiques de fond paraissent découler de ces réactions de personnage, sans être appuyées.
Si l’on peut louer les interprètes, ils paraissent s’inscrire cependant dans un mouvement général qui assure la réussite du film. Tous ses ingrédients et les talents qui le composent paraissent agencés de manière vraiment intelligente. Ce qui fait du long-métrage au final une peinture vivante enveloppante.
Le Vourdalak est à voir dans les salles de cinéma françaises depuis le mercredi 25 octobre, distribué par The Jokers.
Visuel (c) The Jokers Films