Cela faisait 45 ans que Francis Ford Coppola, palme d’or pour Conversation secrète et Apocalypse now et président du jury en 1996, n’avait pas présenté un film en compétition officielle à Cannes. Autant dire que Megalopolis ainsi que la montée des marches du réalisateur américain avec sa petite-fille et un casting exceptionnel étaient l’évènement cannois. Malheureusement, ce projet de 40 ans sur la chute d’un empire est raté, dans les grandes largeurs.
Le pitch est assez simple : dans un New-York de Comics Marvel en plein déclin, Cicéron (Giancarlo Esposito) et César (Adam Driver) s’affrontent sur la manière de sauver la ville de la décadence par l’urbanisme. César a un atout majeur puisqu’il a su mettre au point une matière unique qui permet de tout réparer et tout construire, le Mégalon. Il parvient aussi à arrêter le temps. Cicéron, lui est un homme politique prudent et avisé. Sa fille, en revanche, Julia Cicero (Nathalie Emmanuel) traîne avec des héritières qui passent leurs nuits dans les bars décadents de la ville. Les deux visions politiques s’affrontent, arbitrées par une journaliste toute-puissante, Wow Platinum (Aubrey Plaza) dans une hystérie collective et face à des foules anonymes…
Malheureusement, les fans ne retrouvent nulle part la patte de Francis Ford Coppola dans ce film hystérique qui se déploie par petits bouts de clips très verbeux (parfois en latin!). Malgré avoir repris 300 fois le projet, le réalisateur ne propose pas un regard sur ce déclin de l’Empire où il est né. Il y a du Wes Anderson dans la scène inaugurale, du Paolo Sorrentino dans les scènes de décadence lors des fêtes romaines, du Paul Thomas Anderson dans le personnage de la journaliste et, après un bref interlude théâtreux, du Brian de Palma dans le split screen. La musique est à l’avenant avec des morceaux épars de jazz, d’opéra (où Driver chante?) et même l’allegretto de la 7e de Beethoven est massacré. On ne comprend pas très bien s’il s’agit d’un film sur la décadence ou d’un épisode de super-héros raté. Le scénario, les citations pseudo-philosophiques et les tirades de Shakespeare sont affligeantes. Enfin, si le casting est extraordinaire (on adore John Voigt en vieux banquier avisé et revoir le visage de Dustin Hoffman même si son personnage ne sert à rien), Adam Driver non dirigé est très faible dans le rôle d’un César plus scientifique que guerrier ou historien.
Au milieu des sentences bien-pensantes surnage l’idée un peu trop simple que la science sauvera le monde comme un Deus ex machina. Coppola a beau être un poil âgé pour être Boomer (il est né en 1939), il y a quelque chose de gênant à présenter la décadence centrée sur un New-York qui ressemble au Cesar’s Palace de Las Vegas et de ne pas appeler à la responsabilité. Des astéroïdes doivent percuter la terre mais on ne sait pas où et on les perd en chemin. L’urbanisme semble la seule réponse au déclin et la fameuse science se vit en arrêtant le temps d’une main et en dessinant des arbres sur des papyrus. Enfin, les personnages féminins sont affligeants de banalité : il y a la vierge qui ne l’est pas, la fille qui quitte papa pour soutenir son amoureux et devenir maman et enfin la méchante phallique parfaitement putain. Ça couche et se tue à l’arc et aux flèches comme chez les Borgia et quand des femmes se roulent des pelles sur le dancefloor, c’est le comble de la décadence. Autant dire que cette analyse du déclin de l’Empire américain est trop remplie de clichés pour nous faire réfléchir… Le naufrage de ce film ambitieux par un réalisateur que l’on adore est un moment bien triste de ce 77e Festival de Cannes.
Megalopolis de Francis Ford Coppola, avec Adam Driver, Nathalie Emmanuel, Giancarlo Esposito, Jon Voight, Aubrey Plaza, Shia LaBeouf, USA, 2h18. En Compétition officielle au 77e festival de Cannes.
visuel (c) Caesar Films
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