Surplombant fièrement la Haute Vallée de l’Aude, le château des Hautpoul accueille depuis maintenant dix ans le Festival du film insolite, festival créé par les comédien.nes Geoffroy Thiébaut et Fanny Bastien interrogeant notre rapport à l’étrange et au réel. Il était présidé cette année par Vahina Giocante et parrainé par Arnaud Sélignac.
Il faut dire que la région se prête à la rêverie et à l’insolite : la légende veut que Marie-Madeleine ait séjourné dans la région et l’astrologue Nostradamus a passé de nombreuses années à Alet-les-Bains, petit village dont les vestiges d’une abbaye nous transposent dans un passé fantasmé, une vie cathare dont les ruines évoquent les toiles de Hubert Robert. Si les habitants et habitantes peuvent profiter des thermes naturels de Rennes-les-Bains, les curieux.ses et visiteurs.ses de passage parcourent Rennes-le-Château à la recherche du trésor de Michel de Notre-Dame ou de remèdes miraculeux, la terre alentour étant réputée thaumaturge.
Cette richesse tellurique s’accompagne d’une richesse culturelle selon la Conseillère départementale déléguée à la culture Maria Conquet : « Tous ces festivals [comme également celui de Carcassonne] nous apportent énormément, à la fois pour les Audois et la visibilité qu’ils donnent à l’échelle internationale. » Elle note également que le thème des énergies nouvelles parle particulièrement dans une région où l’eau se raréfie. La variété de son paysage aurait aussi été source d’inspiration pour de nombreux écrivains comme Jules Verne ou Maurice Leblanc : selon la présidente du Festival Fanny Bastien, « il y a une histoire dans chaque village ».
La programmation du festival est à l’image des mythes autochtones, proposant selon Maria Conquet « une vision différente du monde qui nous entoure », liée à l’identité locale : « On a besoin de se raccrocher à quelque chose aujourd’hui et, dans la Haute Vallée particulièrement, le mysticisme fait partie de nos croyances ».
Ainsi du long-métrage Valensole 1965, de Dominique Filhol, qui nous conduit auprès d’un agriculteur des années 1960, lequel aurait vu un OVNI se poser dans ses champs. Ce film s’inspire d’une histoire réelle, celle de Maurice Masse, dont la vie sera perturbée par la rencontre avec des êtres étranges. L’occasion pour les festivaliers et festivalières d’échanger avec Mickaël Vaillant, consultant au GEIPAN, service du CNES spécialisé dans les phénomènes inexpliqués.
Un peu plus tard dans la semaine, la science-fiction reviendra avec la série Bugarach, de Fabien Montagner, qui joue des légendes entourant la colline de Bugarach pour mettre en scène le poids de nos décisions, grandes et petites. La présence d’un étrange vortex, élément déterminant de la série, sera à l’origine d’une longue discussion publique avec le physicien quantique Emmanuel Ransford. Point d’orgue du festival, la projection au Domaine de l’Abbé Saunière à Rennes-le-Château de L’Angelo dei Muri, de Lorenzo Bianchini et avec Pierre Richard, en présence du réalisateur et de l’acteur nonagénaire, soufflant par la même occasion ses quatre-vingt-dix bougies.
Mais le Festival du film insolite, ce sont aussi plusieurs compétitions et récompenses. Un jury jeune, composé de collégien.nes et lycéen.nes, a décerné le Prix du Meilleur court-métrage à Kreskine, du mentaliste Viktor Vincent, qui relate l’histoire pleine de rebondissements d’un magicien russe, et une mention spéciale à No Signal, du réalisateur palestinien Mahammad Al Sharif, qui suit une petite fille cherchant désespérément son père sous les décombres de Gaza.
Côté jury professionnel, le Prix du Jury – Atlantis TV du Meilleur court-métrage est allée au film mexicain Los Cautiverios, de Silvia Jiménez, dont l’atmosphère étrange et inquiétante retrace le viol et la renaissance d’une jeune fille. Une mention spéciale a été attribuée à Dog Apartment, du réalisateur estonien Priit Tender, pour son humour, son originalité et son inventivité visuelle et sonore. Le Prix du Jury du Meilleur film documentaire est allé à Rafea : Solar Mamas, de Mona Eldaief et Jehane Noujaim, où l’on suit une femme bédouine de Jordanie se battre contre les siens pour pouvoir aller en Inde apprendre à produire de l’électricité solaire, et une mention spéciale a été décernée au film de JR Tehachapi, sur un programme de réinsertion dans une prison américaine.
Last, but not least, le public a pu s’exprimer par l’attribution du Prix du Meilleur court-métrage à Kreskine et du Prix du Public – Château des Ducs de Joyeuse du Meilleur documentaire à Rafea : Solar Mamas. D’autres films méritaient toutefois l’attention des spectateurs et spectatrices, comme Pachyderme, de Stéphanie Clément, film d’animation qui nous fait suivre une petite fille victime d’inceste sans négliger le caractère formel de l’œuvre : la qualité du graphisme et de l’animation, le rapport texte-image et le travail de l’ellipse rendent le sujet particulièrement marquant.
Toutefois, le Festival du film insolite est loin d’être une simple remise de prix : les films eux-mêmes sont projetés dans des lieux insolites, tels qu’une usine de chapeaux à Montazels, l’Abbaye d’Alet-les-Bains ou le Domaine de l’Abbé Saunière. Ce choix audacieux permet de mettre en valeurs l’important patrimoine historique et architectural de la région, mais aussi sa flore fabuleuse, que l’on surplombe des hauteurs de Rennes-le-Château.
L’un des objets du festival est en effet, selon sa présidente Fanny Bastien, de « faire rayonner la Haute Vallée de l’Aude », qu’elle définit comme « un lieu magique, magnétique, tellurique », à l’image de ses châteaux et de ses églises : « Il n’y a pas une église qui ne soit alchimique ou templière ».
Le Festival international du film insolite s’est déroulé du 15 au 19 août à Rennes-le-Château, Montazels, Quillan, Limoux et Alet-les-Bains.
Visuels :
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Galerie : Julia Wahl