Du 18 au 26 mars 2024, Majestic Passy accueille le Festival du cinéma israélien à Paris. La programmation de cette 24ème édition réunit vingt-sept films, dont sept long-métrages représentatifs des multiples réalités de la société israélienne. Malgré « les temps très difficiles », évoqués par les réalisateurs présents, le cinéma israélien n’a rien perdu de sa créativité et de son audace, bien au contraire !
« J’ai couru toute ma vie,» c’est ainsi qu’Omari (Chancela Mongoza) commence son récit, en courant à travers le désert vers une clôture frontalière, vers la liberté. Cinq ans plus tard, on retrouve le jeune et athlétique réfugié érythréen, toujours sans papiers mais avec la sagesse d’un moine zen, dans un petit restaurant. Il y fait la plonge avec son meilleur ami Nigel (Micheal Kabya-Aharoni), met de l’argent de côté et attend son petit frère Allen pour qu’ils partent en Allemagne tous ensemble.
Sauf qu’un soir, alors qu’ils regardent le match de football qui fait perdre Maccabi Natanya une fois de trop, les sans-papiers entassés devant la télé se font arrêter et emmener à l’aéroport pour être renvoyés chez eux. Sprinteur sans égal, Omari s’enfuit et pendant que les agents de l’immigration, guidés par leur implacable racisme, convergent sur un Israélien noir, le fugitif regagne le hall d’arrivés où Neta (Kim Or Azoulay) attend le jouer vedette Nigérien, Jimmy Mikel, recruté par son père pour Maccabi Natanya.
Le malentendu persiste assez longtemps pour offrir aux spectateurs quelques scènes improbables et drôles. Débrouillard et toujours positif (« les pessimistes sont morts dans le désert, » dira-t-il), Omari improvise. Quand on l’installe dans un appartement luxueux, il invite Nigel dans son jacuzzi en riant de toutes ses dents. Quand le détesté joueur Allemand, qui ne rate aucune occasion pour chanter les louanges de Leipzig, lui dit « nous, les étrangers, nous devons nous serrer les coudes, » il hoche lentement la tête. Quand on lui demande une interview, il embobine la journaliste avec des histoires tristes de son enfance, omettant toute référence à sa carrière de footballeur. Et quand on le jette finalement dans l’action, il court à toute vitesse à travers le terrain et écrase par inadvertance le défenseur de l’équipe adverse, permettant ainsi à la sienne de marquer le but décisif. Son optimisme, son charme et les bons conseils qu’il prodige autour de lui, le sortent des embrouilles qui suivront sa découverte, sans pour autant changer son inéluctable destin.
Programmé pour sortir en salles en Israël en octobre 2023, après avoir gagné le prix du Meilleur premier film au Festival international du film de Haïfa le 5 octobre, Running on Sand a été d’abord montré aux évacuées du Sud et des rescapés du massacre du 7 octobre, logés dans des hôtels d’Eilat. « Les gens m’ont remercié, » confiera le réalisateur Adar Shafran au Jerusalem Post. «Pour eux, c’était une évasion de la réalité et ils en avaient vraiment besoin.» Tout comme Omari, qui reprend sa vie de sans-papiers, ces premiers spectateurs de Running on Sand devront retourner à leurs vies brisées, mais l’imagination d’Adar Shafran leur a donné un moment de répit. «Je me sens investi d’une mission, celle d’apporter un peu de lumière, un peu de bien-être aux gens… On ne peut pas rester assis à regarder les informations toute la journée. » Mission accomplie !
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