En ouverture de festival du film francophone d’Albi, le piano a donné le La d’une édition dédiée à la musique de film. Et justement, dans son dernier long-métrage, Jacques Otmezguine remonte à la Seconde Guerre mondiale pour livrer une fresque historique mêlant histoire d’amour et passion musicale.
Le jeune François Touraine rencontre Rachel, qui fera de lui un grand virtuose du piano. Il tombe sous le charme de sa professeure et devient adulte, mais elle est juive dans une époque qui ne le permet plus. Pour la sauver, François découvrira à ses dépens les conséquences de l’antisémitisme. On retrouve à l’écran, la théâtreuse Pia Lagrange qui joue avec densité le rôle de Rachel. Elle a tout compris de la fatalité qui la vise, tellement, qu’elle ne cherche pas à lutter. François, le pianiste, interprété par Oscar Lesage, a un regard clair et angélique, il transmet pleinement le détachement des contingences et la torpeur de la catastrophe qui s’annonce.
Courant dans l’air, ses doigts graciles miment des œuvres symphoniques universelles. Il suspend la dernière note, et c’est comme si toute une époque se tenait en équilibre avant de basculer dans les abîmes du nazisme. Plongé dans le quotidien bourgeois des Touraine dont on comprend vite les fragilités, l’on voit se fissurer simultanément les dalles de ciment qui font le socle de leur existence, à l’image de toute une société. Le père qui renonce, la mère qui se recroqueville, les avoirs qui fondent, et la famille qui vole en éclat. Restent les symboles de l’insouciance : l’amour, les rêves, la musique ; pour raconter simplement les répercussions d’une symphonie macabre, qui s’est joué en Europe entre 39 et 45, endeuillant définitivement l’humanité.
Il se dégage de ce film dont on pressent dès les premières images une nostalgie de la jeunesse de l’ère contemporaine, c’est-à-dire avant le nazisme, un parfum d’Eden que l’on ne connaîtra jamais. C’est une fiction, mais qui s’est répétée dans la vraie vie, tant de fois. Car à l’inverse de Visconti dans Les Damnés, Jacques Otmezguine ne décrit pas outrageusement la vie d’une famille puissante qui se donne en spectacle dans les fantasmes de la convoitise. Non, il nous montre, à travers les yeux innocents d’un jeune musicien, toute la sidération d’un monde engloutit par le despotisme. Et la virtuosité de la grande musique forme un contraste saisissant avec l’horreur qui se joue à ce moment-là sur terre.
Sortie prévue le 29 janvier 2025
Avec Oscar Lesage, Zoé Adjani, Pia Lagrange, Laurence Côte