Écrans

« La Voie du serpent » de Kiyoshi Kurosawa : quand le thriller s’égare dans ses propres méandres

par Fiona Fondelot
11.08.2025

Kiyoshi Kurosawa débarque dans le cinéma français avec La Voie du serpent, un remake de son propre film japonais Le Chemin du serpent (1998). On y suit Albert, un père endeuillé qui tente de retrouver les assassins de sa fille, épaulé par une psychiatre énigmatique, Sayoko. Mais très vite, le film se perd entre vides scénaristiques et flottements dramaturgiques.

Le film nous plonge immédiatement dans l’action : Albert est obsédé par l’idée de venger le meurtre de sa fille, coûte que coûte. Une quête désespérée qui aurait pu donner lieu à un thriller psychologique haletant. Mais très vite, on comprend qu’Albert n’a en réalité aucune piste concrète. Il tourne en rond, tout comme l’intrigue. Sayoko, la psychiatre qui l’accompagne, semble cacher bien des choses — mais ses zones d’ombre ne nourrissent pas la tension, elles l’anesthésient.

Une narration répétitive et confuse

La trame est lente et décousue. L’histoire fonctionne sur un schéma répétitif, et devient de plus en plus confuse au fil des séquences. Même la fin laisse un goût d’inachevé : ni claire, ni marquante, elle clôt l’histoire sans la conclure. Le film semble constamment suspendu, comme dans un état d’hypnose molle, sans jamais provoquer l’effet de vertige ou d’angoisse recherché.

Le jeu des acteur·ices accentue ce sentiment d’errance. Il est lent, parfois apathique, comme s’ils et elles erraient dans le film sans véritable direction. On perd rapidement l’accroche émotionnelle. Les personnages sont peu caractérisés, manquent cruellement de profondeur, ce qui les rend creux, presque fantomatiques. Même les antagonistes n’émergent pas vraiment. Le film peine à désigner une menace claire, ce qui pourrait être une intention de mise en scène… mais qui, ici, tombe à plat faute de tension narrative.

Une histoire close qui s’épuise

L’essentiel de l’action se déroule dans un hangar délabré. Un choix esthétique qui aurait pu fonctionner s’il avait été porté par une atmosphère plus forte, plus tendue. Or, à force de répétition et d’inaction, ce lieu finit par perdre toute charge symbolique. On a le sentiment d’un théâtre figé, d’un décor qui s’épuise. L’aspect quasi huis clos n’est pas maîtrisé, il tourne à la redondance.

Le serpent, symbole évaporé

Il y avait pourtant une base intéressante : une quête vengeresse, un père déboussolé, une psychiatre au passé trouble, un contexte étouffant. Mais le potentiel dramatique est étouffé par une écriture trop floue. Le serpent, métaphore centrale, semble convoqué sans jamais être assumé. On peine à comprendre ce qu’il représente vraiment dans le récit. Le symbole reste cryptique, jamais pleinement exploité.

Le film est maladroit et inconfortable. On est pris dans une spirale énigmatique, mais décousue, privée de souffle, de rythme, et de sens. Une tentative de thriller métaphysique qui s’épuise dans ses propres méandres.

Au cinéma le 13 août 2025