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« La Vénus d’argent », fendre la destinée

par Laura Dumez
23.11.2023
Claire Pommet sur le tournage - ©pyramidefilms

Pour son deuxième long métrage, Héléna Klotz créé un univers au réalisme onirique. Dans le rôle-titre, la chanteuse, et désormais comédienne, Claire Pommet (plus connue sous son nom de scène, Pomme) crève l’écran dans ce thriller doux et réconfortant bien qu’imparfait sur la finance.

La mélodie et la voix en fond sont enchanteresses. Sur une moto lancée à toute allure dans un tunnel, Jeanne s’élance, part briser une vitrine de luxe pour voler le costume de sa vie rêvée, un costume gris souris pour une jeune transfuge de classe prête à tout pour entrer dans le monde de la finance.

Prête à tout

La Vénus d’argent, Spirit of Ecstasy lorsqu’elle est placée sur le capot d’une Rolls-Royce, est une petite figurine couleur argent qui, avec ses ailes déployées, fend l’air et fixe l’horizon comme si toutes les portes allaient s’ouvrir devant elles. Jeanne Francoeur est la Vénus d’argent, c’est ce que fini par crier, le corps à moitié sorti du toit ouvrant d’une voiture, l’actrice Claire Pommet (plus connue sous son nom de scène, Pomme). La chanteuse fait une entrée fracassante en cinématographie, livrant un jeu délicat.

Jeanne a 24 ans et semble vivre depuis toujours dans cette caserne en banlieue avec son père gendarme, son petit frère et sa petite sœur. Elle, qui a failli devenir militaire, a finalement étudié à l’ESCP, célèbre école de commerce, et parié qu’elle allait réussir sa vie, gagner sa liberté dans le monde de la finance. Elle est comme une mère pour sa fratrie, neutre « comme les chiffres » (mais visiblement genrée au féminin), déterminée à percer dans ce monde de requins masculins qui la marginalise. Stagiaire dans un grand groupe, elle se fait remarquer par le patron, Farès (Sofiane Zermani), en corrigeant l’erreur d’un collègue.

Apprendre, avoir mal et s’envoler

S’ouvre alors un récit d’apprentissage, une initiation aux codes techniques de la négociation et aux codes esthétiques à coup de boutons de manchettes. Le luxe qui entoure Farès la fascine, elle qui fait les ourlets, de son costume volé, à l’agrafeuse. La représentation du monde de la haute finance est impressionnante par la dimension documentaire du travail fourni par Héléna Klotz. Elle parvient à faire un parallèle poétique entre ces deux univers froids : la caserne où retentit sans fin les sirènes des gyrophares et La Marseillaise et ces salles de finances où les chiffres défilent aussi rapidement que les négociations mielleusement acérées. Deux mondes froids, pourris dans l’imaginaire collectif, auxquels la réalisatrice a su donner un peu d’humanité. Côté luxe, Elia, majestueusement campé par Anna Monglalis, apporte, sans trop en dire, une touche de douceur et de bienveillance. Côté précarité militaire, le père de Jeanne (Grégoire Colin) et Augustin (Niels Schneider) cassent les carcans de la dureté.

Si certaines ficelles sont grossières, comme la scène du braquage qui ouvre le film, l’esthétisation digne d’un conte enchante. La fin, trop ouverte, déçoit et certains rebondissements dans la deuxième partie du film paraissent invraisemblable. Mais sur la longueur, on ne peut que saluer la justesse du jeu des acteurs et la lumière mise sur des questions de sociétés comme les questions de l’intégration, de l’origine sociale, du genre, des premiers amours et des violences sexuelles. Héléna Klotz a su construire un personnage toute en finesse et en plein élan de jeunesse qui nous laisse quitter la salle avec un message fort : « on ne peut pas passer sa vie à avoir peur, il faut avoir le courage de sa vulnérabilité ».

La Vénus d’Argent de Helena Klotz, avec Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Anna Mouglalis, Grégoire Colin – 1h35.

©pyramidefilms pour les photographies