La bonne étoile de Pascal Elbé, un feel good movie en 39-45

Rire du tragique pour le surmonter

Pascal Elbé a choisi la Deuxième Guerre mondiale pour construire et réaliser son quatrième long métrage. L’histoire précipite sur quelques jours la traversée improbable d’un déserteur qui se fait passer pour juif afin de se soustraire au combat. Flairant ce qu’il croit être une bonne combine, il entraîne sa famille dans un périple cocasse qui va les plonger au cœur de la Résistance. Entre faux juif et vrai looser, son comportement veule, décomplexé va le conduire à se confronter à toutes les situations, et même jusqu’à l’héroïsme sur un malentendu.

C’est l’histoire d’un « mensch »

Comme le superbe titre l’indique, le film joue sur l’ambiguïté à chaque plan, créant un comique de situation entre absurde et calamité. La réalisation, classique, est portée surtout par des dialogues bien écrits, drôles à travers des répliques bien tournées « Il n’est pas juif depuis deux minutes, que tu le persécutes déjà ». Mais surtout des acteurs bien campés et très crédibles. Outre l’inénarrable Benoît Poelvoorde, Zabou Breitman donne du maintien à une résistante sensiblement effrontée et crédible ; et la gouaille de Hugo Becker colle parfaitement à l’époque. Pascal Elbé qui joue également un père meurtri, s’affranchit de la chronologie des évènements pour raconter comment le plus simple des individus peut devenir un héros du quotidien, un « mensch » en quelque sorte, c’est une façon aussi de rendre hommage aux « justes ».

La résistance, origine de résilience

On comprend vite que la farce est prétexte à dézinguer frontalement les préjugés. C’est donc sur un ton décalé, poussé au burlesque, que les personnages nous prennent par la main pour chercher les traits de lumière dans une Histoire qui revient sur ses souvenirs les plus sombres. Car de petites trahisons en maladresses assumées, on suit l’évolution de M. Chevallin que Benoît Poelvoorde incarne avec densité, auquel on s’attache immédiatement malgré ses faiblesses. Sans doute parce qu’il nous semble si familier à tenter de passer entre les gouttes d’une guerre qui le dépasse.

La diversité est un trésor de guerre

Le film a été tourné il y a quatre ans. Sensible à l’aspect social plus que politique actuelle, Pascal Elbé nous parle de résistance pour souligner la longue histoire commune comme socle de résilience. En restituant le contexte 39-45 à travers la solidarité et le courage, il nous montre que cette période traumatique portait déjà dans les actes de résistance les prémices de notre future résilience. Interpellé par les spectateurs qui ont témoigné du réconfort que leur a procuré les messages du film, il s’est laissé aller à quelques confidences de son parcours personnel qui ont nourri son appétit des autres, et du cinéma. Ce qui a inspiré notamment la scène du film où M. Chevallin (Benoît Poelvoorde) qui se fait passer pour juif, est invité à dire la prière du shabbat, et récite avec solennité, mais aussi avec solidarité un bénédicité bien chrétien, ponctué d’un sincère Amen ! Montrer les différences qui se rejoignent dans la résistance et dans la spiritualité, c’était sa manière d’exprimer aussi la diversité qui le constitue et qui nous constituent intrinsèquement et collectivement.