Troisième volet de la trilogie que la réalisatrice Yolande Zauberman dédié au monde de la nuit de Tel-Aviv, après Would you have sex with an Arab ? (2011) et M (César du meilleur documentaire 2020), La Belle de Gaza est un documentaire saisissant sur une femme trans palestinienne venue à pied jusqu’à Tel-Aviv…
La nuit de Tel-Aviv est chaude et étoilée. La caméra de Yolande Zauberman s’y pose comme un léger papillon pour filmer des interactions beaucoup moins légères. Elle passe de la rue Hatnufa aux coulisses d’un bar où elle interviewe la première Miss Trans Israël, qui est aussi israélo-arabe, Talleen Abu Hanna. Elle donne la parole à plusieurs trans. On retrouve notamment du film M une des pionnières, Israela qui raconte comment elle a épousé un rabbin orthodoxe de Bnei Brak. Mais la recherche qui structure le film est celle de « la Belle de Gaza » : elle serait venue à pied de Gaza à Tel-Aviv pour pouvoir devenir elle-même.
En se posant délicatement, en portant un regard intense et en même temps jamais emprisonnant sur ses interlocutrices, Yolande Zauberman parvient à fixer des moments d’une intimité folle : des confessions sur l’opération qui permet la transition, des confidences sur le sexe après, s’inviter à un Noël en famille ou bien graver le prière musulmane d’une femme qui a changé de sexe, tout quitté et qui risque la mort pour cela, mais qui continue – peut-être plus que jamais – à être une musulmane fervente…
Tourné bien avant le 7 octobre dernier, le film est d’autant plus politique qu’il interroge des figures marginales et nocturnes de passage entre Gaza et Tel-Aviv. Des figures à la fois fortes et fragiles, extrêmement touchantes et dont les trajectoires – venir à pied de Gaza, comme devenir Miss Trans Israël en étant arabe – en disent long sur la violence, la guerre et l’effroi. Si, sur le chemin, d’autres violences ont lieu (prostitution, rupture avec sa famille), Yolande Zauberman démontre aussi que « la nuit, ce ne sont pas les ténèbres ». La lumière, si glamour, de son film toujours en mouvement démontre aussi – parfois – la capacité des patriarches à changer. Un documentaire radical et qui, pourtant, « fait du bien » comme l’écrit joliment Alice Diop dans le dialogue qu’elle a avec la réalisatrice dans le dossier de presse visible sur le site du distributeur, Pyramide.
La Belle de Gaza, de Yolande Zauberman, avec Talleen Abu Hanna, Israela, Nadine, Danielle, Nathalie, France, 1h16. En projection en sélection officielle et en séance spéciale au 77e Festival de Cannes. Au cinéma le 29 mai 2024.
visuel © Sophie Dulac
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