Agathe, jeune libraire bloquée dans une existence amoureuse sans perspectives, est invitée à passer deux semaines dans la « Jane Austen Residency », pour écrire son prochain livre. C’est ce récit d’un voyage initiatique qui signe « Jane Austen a gâché ma vie », le premier long métrage de Laura Piani. Une jolie balade dans la campagne anglaise, aux personnages attendrissants, dont on aime les références british et l’attention à la poésie des mots.
Laura Piani nous livre, avec ce premier long métrage, si ce n’est son histoire, en tout cas une balade qui lui ressemble. À l’image de son personnage, elle aussi a été vendeuse dans la fameuse librairie Shakespeare & Co, elle aussi est passionnée par l’écriture, le scénario, et sans doute, elle aussi, a-t-elle été perdue dans sa vie amoureuse. Elle porte dès lors sur Agathe (Camille Rutherford), le personnage principal, un regard plein de douceur. Elle n’est pas idéalisée, s’incarne avec ses névroses et ses maladresses, et l’on finit par se réjouir de la voir sortir de sa zone de confort, elle qui reste bloquée dans la facilité de l’immobilité. À l’image de ce lien plein de tendresse qui lie la réalisatrice avec le personnage, le film est empli d’une grande délicatesse, bercé par la musique de Peter von Poehl et la voix de Frederick Wiseman. Une tranquillité qui nous plonge, tout au long du film, dans l’ambiance des romans de Jane Austen.
D’emblée, les clauses sont posées : le film est une comédie romantique et il en reprend tous les codes, et la plupart des clichés. La référence aux rom-com anglaises des années 1990 est particulièrement explicite, entre frappante ressemblance d’Oliver (Charlie Anson) avec Hugh Grant, comédien privilégié du genre, et allusion directe à la scène du room service de Coup de foudre à Notting Hill. Certaines représentations collent donc à des stéréotypes véhiculés par le genre. Agathe est prise dans un triangle amoureux entre deux archétypes : l’anglais romantique, absolument charmant et passionné de littérature, et le français séducteur au verbe enjôleur. La structure est donc prévisible, parfois décevante parce que trop attendue. Mais cela n’empêche pas aux personnages de garder une forme de profondeur et de mystère, et d’entretenir entre eux des relations gardent toutes en authenticité.
Finalement, la force du film réside avant tout dans l’issue de ce triangle amoureux. Contrairement aux comédies romantiques classiques, il ne s’agit pas de dire que la seule trajectoire des femmes serait de tomber amoureuse, ni de voir dans l’amour romantique la seule source d’épanouissement et de soutien du personnage principal. Le film, plus qu’une quête de l’amour, se révèle en réalité comme celle d’un épanouissement, qui nécessite pour Agathe de se replonger dans son passé, d’aller au bout des choses, et de prendre confiance par et pour elle-même. De même, le film ne s’attache pas à représenter la relation entre femme et homme dans une forme uniquement passionnelle, mais réhabilite (enfin) la possibilité d’une amitié véritable entre les deux sexes.
« Jane Austen a gâché ma vie » de Laura Piani, au cinéma le 22 janvier 2025.
Visuel : © Les Films du Veyrier et Sciapode