Présenté à la Berlinale l’an dernier, le nouveau film du réalisateur sud-coréen, Hong Sangsoo, In water met en scène un jeune réalisateur en manque d’inspiration et qui la trouvera dans dans le flou des flots. Une fable impressionniste sur l’eau, les rêves et la création.
D’un film à l’autre, Hong Sangsoo pose son regard amusé et mélancolique sur les atermoiements des artistes et des amoureux. De plus en plus, le comique le cède à une méditation calme, suspendue, qui nous laisse tout rêveurs. Après Walk up, exploration millimétrée d’un espace mental, ce In water nous est offert comme une toile impressionniste. D’emblée, le spectateur est frappé par l’image légèrement floue, comme estompée. Hong Sangsoo pose un voile sur ce temps de la jeunesse, où les sentiments et les ambitions se ressentent à vif.
Sur l’île de Jeju, trois jeunes gens marchent dans les rochers, puis mangent tranquillement ensemble, à l’intérieur, puis dehors, face à la mer. Ce sont des sandwichs dont ils se nourriront durant quelques jours : Seongmo (Shin Seokho) a fait venir ses deux amis sur l’île pour réaliser un court métrage, et ses moyens financiers sont très réduits.
Quelle force intérieure pousse un jeune homme à tourner un film ? Comment rendre sensible ce besoin ? Seongmo semble à l’arrêt, hésitant, plein de doutes. Que raconter ? Sur l’île, il s’imprègne de l’esprit du lieu et replie son malaise sous sa capuche. Les deux amis acteurs, une fille et un garçon, vont faire les courses et se balader de leur côté. Ils respectent la réflexion de Seongmo et attendent qu’il se décide à trouver une idée.
Peu à peu, Seongmo s’ouvre à ses amis. Lors d’une très belle scène au téléphone, il se relie brièvement avec un passé pas si lointain. Pour mettre de lui dans son film, il a aussi besoin de l’autorisation de ceux qui comptent ou qui ont compté. Les vivants comme les fantômes, sans doute.
Car, on le comprend, on le voit à l’écran, tout est ici compté : les sous au début, les mots ensuite, qui rapprochent ou qui éloignent, et puis les heures et les minutes. 60 minutes pile suffisent à Hong Sangsoo pour nous transmettre ce mal-être sourd, cette distance qu’un jeune artiste ressent avec le monde et avec les autres.
Ouatée, l’image adoucit autant qu’elle trouble. Les expressions des visages, par exemple, ne se voient plus. Un climat, une douceur trompeuse s’emparent du lieu où les idées et les sentiments, enfin, éclosent. En musique, quelque chose se produit, devant la caméra et juste sous nos yeux.
Hong Sangsoo expérimente avec In water une forme poétique, limpide. « L’homme qui sort de l’eau est un désir avant d’être une image » (Gaston Bachelard, L’eau et les rêves). Et celui qui y entre ?
In water de Hong Sangsoo, Corée du Sud, 60 minutes, 2023, avec Shin Seokho, Ha Seongguk, Kim Seungyun, Kim Minhee. Sortie le 26 juin 2024.
visuel(c) Arizona Films