Partant de ses vidéos souvenirs tournées lors d’un échange scolaire réalisé à Oklahoma City en 2014, le youtubeur Max Laulom signe une petite série documentaire intitulée High School Radical. En revenant sur ses traces au moment des élections américaines de 2022, il va à la rencontre de bon nombre ses anciens camarades. Quitte à être un peu déçu…
Dans un documentaire précédent, Max Laulom était parti à la rencontre d’une jeunesse ukrainienne qui cherchait à rêver sous les bombes. Cette fois-ci, il s’attaque au mythe de l’Amérique, un mythe qu’il connaît bien, lui qui a séjourné un an dans un lycée de l’Oklahoma lorsqu’il avait 17 ans. Pour sa série, High School Radical, c’est un drôle de titre. Il est imprégné de deux références, l’une plus évidente que l’autre. Premièrement, c’est là l’évidence, il emprunte sa forme à la célèbre saga High School Musical qui a fait tant d’émules dans le monde entier. Mais aussi, il s’inspire d’un documentaire réalisé par Frederick Wiseman qui montre comment une actualité politique brulante, en l’occurrence la guerre du Vietnam et l’assassinat de Martin Luther King, avaient réussi à s’introduire dans un petit lycée américain. Il faut le savoir.
L’histoire est très simple à comprendre : De retour en France, après son année scolaire, Max Laulom change de vision sur les gens qu’il a fréquentés outre-Atlantique. Et pour cause, la plupart font montre sur leurs réseaux sociaux d’une adhésion manifeste à l’égard de Donald Trump et de sa politique. Il faut dire que Max est plutôt mal tombé : l’Oklahoma est un État du Midwest foncièrement conservateur où le vote est historiquement ancré républicain. Alors quoi de moins étonnant que de le voir se transformer en un bastion pro-Trump au moment des élections présidentielles de 2022 ? Au-delà de cet aspect politique, ce documentaire témoigne également du temps qui passe. Les premiers iPhones, les musiques pop, les vines : chaque image d’archive de Max est l’occasion de se remémorer, avec un brin de nostalgie, la décennie qui vient de s’écouler.
C’est ce doux parfum qui a attiré Max Laulom aux États-Unis, et comment ne pas le comprendre. Quand on regarde ces extraits, entre les fêtes lycéennes et les matchs de football américain, on regrette presque de ne pas en être. Le documentaire repose sur un principe de montage où il alterne entre ses souvenirs d’adolescent et sa vie d’adulte présente. Entre les deux images, celle pixelisée de la GoPro de l’époque et celle d’aujourd’hui bien nette, presque trop, il y a tout un monde. Et le paradoxe en est encore plus grand, entre ce passé idyllique et ce présent morose.
À partir des temps forts de son expérience américaine, il donne rendez-vous à ceux qui ont compté pour lui. C’est le cas de la famille Khel, avec Andy, Vanessa et Rachel, une sorte de seconde famille d’accueil pour Max avec qui il a noué des liens très forts. En allant à leur rencontre, une nouvelle fois, le youtubeur interroge leurs trajectoires. Devenus grands-parents et grevés par des problèmes de santé de plus en plus persistants, ils ont perdu la maison qu’ils occupaient jadis. Ultimement, ils se sont laissé volontiers convaincre par Trump, cet « homme d’affaires qui sait comment gérer un business ». Bon gré mal gré, le documentaire se place en contre-plongée de la société américaine, et dessine une tendance politique cadrée à hauteur des plus faibles.
Le fond de l’air a-t-il vraiment changé depuis Les raisins de la colère (1939) de John Steinbeck ? On touche un peu, ici, le nœud de toute cette histoire : la violence du déclassement vécue par la quasi-intégralité de ses interlocuteurs. Le sujet de la paupérisation est extrêmement présent, en creux, durant l’intégralité de la série : après la pandémie du covid 19 et les multiples crises qui ont secoué les États-Unis, ses anciens amis font figure d’autant de petits rescapés. Cette vérité prend un tout autre sens quand le youtubeur se rend compte que la région est sujette à des tornades. Un peu comme ils l’ont toujours fait, les Okies vivent au gré des tempêtes
Deux visions de l’Amérique s’opposent, incarnées par deux couleurs politiques irréconciliables : le rouge rubis des républicains et le bleu roi des démocrates. Elle est symbolisée, dans le documentaire, par un rituel que Max Laulom prend avec chacun de ses interlocuteurs : il leur demande, à la fin de leurs échanges, de choisir entre une casquette de Kamala Harris et une casquette de Donald Trump. Tout dans les réponses, aussi bien que dans le choix, trahit une certaine tension, une frustration qui ne parvient pas à s’exprimer. Plus tard, dans une manifestation pro-Trump, un pasteur prophétise même une guerre civile et confie s’y préparer pour défendre sa famille et sa maison…
Un petit détail, qui a toute son importance, jalonne la série. Au moment de son départ, Max Laulom s’est inscrit à la newsletter politique du candidat Trump. L’occasion pour lui de mettre en lumière les techniques marketing agressives qui existent au pays de l’Oncle Sam. Les épisodes défilent et les SMS s’accumulent dans un coin de l’écran. «Merci d’être venue à mon rallye, Max !» En donnant l’illusion d’une communication directe, Donald Trump et ses équipes de communication usent de techniques de communication douteuses mais diablement efficaces, en nouant des relations parasociales avec leurs potentiels électeurs. Le tout saupoudré de messages politiques radicaux comme, par exemple, «Le changement climatique est un gros canular».
En effet, Maxime Laulom n’a pas trouvé l’espoir qu’il était venu chercher. Donald Trump a été réélu grâce, en partie, à ses amis d’hier et d’aujourd’hui. Il a vécu une sorte de désillusion du rêve américain qui l’avait porté jadis jusque sur le nouveau continent. Avec son reportage, il livre un récit doux-amer et interroge des gens, avant d’interroger un phénomène. Ce documentaire ne tombe pas dans le piège de la confrontation et du voyeurisme, mais nous incite, au contraire, à replacer devant les idées, des visages et des êtres humains. Voilà qui fait du bien. Heureux hasard, il termine son voyage à New York, dans une ville ou un maire socialiste vient d’être élu. Face a la marée républicaine, un peu d’espoir en vue ?
Max Laulom, High School Radical. Retour chez mes potes trumpistes. Quatre épisodes de vingt minutes sur Arte.
© Capture d’écran Arte France