Projeté en avant-première au Festival Les Œillades, le film a fasciné le public cinéphile d’Albi. Akihiro Hata venu le présenter s’inscrit dans une veine contemplative et sensible. Son approche à la fois réaliste et métaphoriques qui privilégie l’émotion et l’observation du quotidien ne concède rien à la force du thriller. Précis et esthétique, son premier long métrage est une signature.
Dès les premières minutes, le spectateur est plongé au cœur d’un chantier de construction, au plus près de ceux qui bâtissent une tour promise à devenir un « smart district », un quartier intelligent à l’empreinte carbone prétendument nulle. Mais très vite, cette promesse écologique sonne creux. Ce que le projet « Grand Ciel » met en lumière, c’est surtout ce que cette modernité exige en retour, au détriment de la nature humaine. Sébastien Bonnard et Samir Guesmi sont simplement parfaits dans ce scénario où les joutes verbales sont aussi importantes que les regards. Ils transmettent toute la fantasmagorie autour de cette tour qui s’élève dans le ciel et qui pourrait bien devenir leur tombeau.
Le point de vue est clairement celui des ouvriers. Le film observe le monde du travail dans ce qu’il a de plus concret : la dureté des gestes, la fatigue, les interactions quotidiennes ; mais aussi dans ce qu’il permet encore de lien. Il y a l’équipe, la convivialité fragile, les échanges qui tiennent parfois lieu de refuge. Cette humanité contraste frontalement avec l’abstraction du projet architectural, et les intérêts économiques qui le dirigent. Lorsque l’un des travailleurs sans papiers disparaît, le film bascule. Pour le retrouver, la solidarité de l’équipe devient un véritable acte de résistance contre un système qui préfère ignorer l’humain pour ne pas ralentir la machine. A ce moment, la tour cesse d’être un décor. Ses dédales semblent peu à peu engloutir les hommes qui l’élèvent. Les sons, la matière, les vibrations donnent l’impression que le bâtiment est vivant. La structure devient un organisme froid et indifférent qui avale les corps et les voix.
Sortie en salle le 21 janvier 2026
© Photo : UFO Distribution