Écrans

« Furcy, né libre » de Abd al Malik : un manifeste pour l’universalité

par Farah Malaoui
30.08.2025

Projeté en présence de son réalisateur lors de la 18^ème édition du Festival francophone du film à Angoulême, le biopic historique d’Abd Al Malik a été très bien accueilli. L’esthétique, l’interprétation et la musique en font un objet cinématographique abouti après 10 ans de maturation du projet.

Île de la Réunion, 1817. C’est l’histoire vraie de Furcy, esclave dans une plantation de l’île Bourbon, qui décide avec l’aide d’un procureur abolitionniste, d’attaquer son maître en justice pour exiger sa liberté. Avec Makita Samba (l’esclave libre), Romain Duris (le procureur) et Vincent Macaigne (le « négrier »), l’interprétation est grandiose, chacun dans son bon droit cherchant réparation dans une république qui a vicié ses principes par cupidité et obscurantisme.

La chosification de l’Homme par l’Homme

Ce n’est pas un énième film sur l’esclavage. C’est un exercice sur la condition humaine à travers l’abolition de l’esclavage. Les principes fondamentaux qui font la grandeur d’une nation ont vacillé l’espace de 400 ans dans une perversion de repères, qui s’est transmise en héritage par le sacré de la filiation. Et la caméra explore les deux points de vue. Le scénario, très documenté, éclaire les fondations de notre société, en champ-contre-champ de l’éducation, de la justice, et même de la foi en Dieu qui ont à un moment donné, couvert par leur verticalité l’idée que l’homme peut être un meuble en le dépossédant de sa liberté.

Inspiré d’une histoire vraie

La finesse de la réalisation montre de part et d’autre une certaine normalité de l’ordre établi. Des logiques de pensée enracinées au point que la justice et la foi se transforment en engrenages aux mâchoires acérées, prêtes à broyer les idéaux les plus nobles. Dans ce film très librement inspiré du roman de Mohammed Aïssaoui L’affaire de l’esclave Furcy, Abd Al Malik a fait un travail de réflexion sur l’étymologie même de l’esclavage et le sens de son abolition. C’est un passage de témoin, celui de l’après, pour voir, comprendre, et surtout ne pas oublier. Car il a existé ce temps où l’on signait au fouet sur la peau d’un être, son attestation d’appartenance.

Un objet artistique au service d’un manifeste

La mise en scène convoque par des plans furtifs la douleur lancinante qui relance sans cesse le supplice de son destin confisqué. En évoquant les fantômes du passé qui hantent son présent, Furcy, incroyablement interprété par Makita Samba, transmet à travers sa résistance innée, la sincérité d’un manifeste ancrée dans le gène de l’humanité, celui de la liberté. Le film commence et termine par un slam prolongeant le récit éternel des tam-tam de l’Afrique, berceau de l’humanité. Les pieds dans la boue, les yeux levés vers le ciel, il pleut sur terre comme il pleure dans le cœur de Furcy. Et l’on retrouve à l’écran la poésie d’Abd Al Malik pour nous dire que la verticalité n’est pas domination. Que si la foi descend du ciel, c’est pour élever les âmes. Que si la Justice est droite c’est pour tenir l’homme debout. Et que l’éducation doit cultiver le souvenir et la parole comme boussole d’un axe intérieur universel.

Sortie prévue le 14/01/2026.

« Furcy, né libre » de Abd al Malik : un manifeste pour l’universalité

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