Le seul prix du festival du film francophone d’Albi, c’est celui du public, soumis au vote des spectateurs à la sortie des séances. La délibération est rapide. La sincérité directe et instantanée, a présidé le jury populaire d’Albi cette année, car c’est le film de Mathias Mlekuz qui a reçu le plébiscite pour son épopée à vélo.
Partant de son histoire personnelle, le réalisateur a décidé d’entreprendre le dernier périple que son fils a réalisé avant de se suicider. À vélo, Mathias Mlekuz, embarque avec lui son pote Philippe Rebbot dans un road trip de La Rochelle à la Turquie.
Vlà l’équipage. Flirtant avec la soixantaine, sans préparation physique, ils ont pédalé pendant cinq semaines avec en carnet de bord, les croquis esquissés de Youri, éclaireur absent et inspirant. On suit les compères en total impro dans des situations imprévisibles, vraiment drolatiques chez l’habitant, effleurant le mystique devant les églises ou au coin du feu, les bouteilles d’alcool en pharmacie de secours déliant les élucubrations.
Ce qui impressionne, c’est le montage qui traduit avec vérité un parcours initiatique à la recherche de connexion avec des paysages, des vies, des sensations, sans objectif autre que le voyage. Communiquer avec quelqu’un qui ne parle pas votre langue, c’est déjà un voyage. Les rencontres qu’ils font de l’Atlantique à la mer Noire, balisent comme des repères sur une carte, un relief ascensionnel au fur et à mesure de leur progression jusqu’à la belle Marzy. Et la musique faîtes de composition et de reprises bien senties (création de Pascal Lengagne, Reggiani intemporel, et Rana Mansour), souligne les temps forts en donnant du contraste à cette épopée.
Et pourtant dans leur déambulation entre rires et larmes, Mathias Mlekuz et son acolyte Philippe Rebbot, touchent quelque chose d’insolite entre espoir et désillusion. Comme un geste suspendu qui réincarne par son absence l’être aimé. À l’opposé d’un parcours de deuil, c’est un long cheminement qui questionne en boucle la rhétorique universelle : la vie et la mort, l’amour et l’amitié, mais d’un point de vue d’homme, de père, d’ami, de frère aussi. Comme le chante si bien Rana Mansour «Sorry baby sorry, I’m just a man».