Levante est un film tonique, vif, extrêmement inconfortable. Le spectateur a l’impression de regarder un feel good movie, jusqu’à la dernière scène…
Levante s’ouvre sur une scène de rue : trois ami(e)s rient, mettent une perruque, volent des médicaments dans une pharmacie. Des hormones, dont elles ont besoin pour avancer dans leur transformation. Car ces jeunes filles évoluent librement entre deux sexes. Elles font partie d’une équipe de volley queer, où les LGBT+ et les trans sont acceptés et même valorisés. Cheveux bleus ou roses, corps à la musculature travaillée, elles semblent à l’aise, heureuses.
La joueuse Sofia (Ayomi Domenica Dias) est justement pressentie pour recevoir une bourse qui changera sa vie. Seulement, elle n’a plus ses règles depuis quelques mois : enceinte d’une histoire d’un soir, elle voit son rêve lui échapper. Il faut absolument qu’elle avorte, garder le bébé n’est pas envisageable. Sofia a d’ailleurs une petite amie, qu’elle aime. Comment faire ? Tout d’abord, l’angoisse de la jeune fille nous semble démesurée. Autour d’elle, ses proches sont compréhensifs, d’emblée ou dans un second temps. Peu à peu, nous saisissons le biais : la réalisatrice nous a montré une petite communauté singulière, en marge, particulièrement ouverte. Le reste de la société est bien différent. Au Brésil, l’avortement est illégal et passible de prison. Comme la mère de Sofia, disparue, était uruguayenne, elle pourrait avorter en Uruguay, où la pratique est autorisée. Mais rien n’est simple.
Ceux vers qui Sofia se tourne ne sont pas toujours des adjuvants. Les pièges abondent, dans une société où l’on traque les prétendues déviances. La réussite du film tient dans son faux rythme : l’impression d’une certaine euphorie, d’une certaine solidarité, versus une incroyable violence. La fin est sidérante.
Curieusement, la sélection tour du monde de Sarlat nous permet de voir, le même jour, Levante et Les lueurs d’Aden, film yéménite également sur un avortement clandestin. Deux sociétés sans rapport apparent, mais une même problématique : les personnages des deux films ont beau se montrer pleins de bonne volonté, compréhensifs, le carcan du régime opère.
Levante de Lillah Halla, Brésil/Uruguay/France, 1h32, avec Ayomi Domenica Dias, Loro Bardot, Grace Passô. Abrazo d’or au Festival Biarritz Amérique latine 2023. Présenté au Festival de Sarlat, sélection Tour du monde. Sortie en France le 22 novembre 2023.
visuel : photo officielle du film (c) Rezo films