Adaptation du roman éponyme de Fatima Daas, La Petite Dernière nous raconte l’histoire d’une jeune lycéenne qui essaie d’accepter de vivre son homosexualité. A rebours des clichés, Hafsia Herzi écrit une romance, autant qu’un drame haletant.
Sa sélection en compétition officielle est déjà un acte politique : preuve que le particulier peut devenir l’universel, qui n’est ni blanc ni hétérosexuel. Au delà de nous raconter une histoire vue et revue d’acceptation de l’homosexualité, Hafsia Herzi raconte nos contradictions et nos émois avec beaucoup de tendresse pour ses personnages malgré quelques maladresses.
C’est en filigrane ce que le film raconte : apprendre à s’aimer, soi. Mais aussi apprendre à s’aimer en tant que communauté, à se faire grandir sans s’abîmer, à se choisir. La petite dernière écrit avec subtilité l’ambiguïté de ne se trouver à sa place nulle part, mais de chercher à se construire avec des morceaux de puzzle. Dans celui de Fatima, il y a l’Islam, sa famille, il y a des lesbiennes, le foot, l’asthme. Tout ça coexiste, tout ça ne s’annule pas, malgré le rejet, malgré la haine.
Les scènes parallèles avec la vie d’Adèle sont multiples : clin d’œil, détournement ou réappropriation, les interprétations sont possibles. Une chose est sûre, Hafsia Herzi est consciente de l’histoire dans laquelle s’inscrit son film : chaque plan, chaque regard -portés par les magnifiques Nadia Melliti et Park Ji-Min- instaure une grande gravité. Mais l’atmosphère du film n’est jamais pesante, au contraire. Petit à petit comme l’actrice, on respire. Parfois, encore, on étouffe avec elle. Mais il y a les autres à qui elle fait confiance petit à petit : parfois dans leur indélicatesse et leur maladresse, il reste la bienveillance -à la fois de sa communauté lesbienne, mais aussi de sa mère, en témoigne une dernière scène, déchirante.
La Petite Dernière est aussi un film sur la parole : se dire, se nommer, pour pouvoir le dire aux autres. Se reconnaître. Mentir en date, ne pas dire je t’aime, tout se lie intimement avec la maladie de la protagoniste -l’asthme. Ne pas arriver à se nommer, à s’avouer ce que l’on sent autour de soi, l’entraîne dans un mutisme et l’empêche de respirer -littéralement.
Cette somatisation, déjà présente dans le livre de Fatima Daas, est accentuée par la réalisation : une contre-plongée sur la mosquée qui trône comme un géant pétrifiant, une caméra à l’épaule un peu tremblante quand Fatima n’est pas sûre d’elle, et la ville, qui enveloppe les personnages du début à la fin.
Car dans La Petite Dernière comme dans la vie, être lesbienne n’est pas une affaire privée, mais bien aussi public : dans le lycée, dans la rue lors des prides ou dans les lieux de fêtes. L’ambivalence du personnage qui alterne entre son intériorité et son désir d’appartenance bouleverse et touche en plein cœur.
Visuel : ©Ad Vitam