Un film géorgien suivant un père cherchant sa fille disparue, partie a priori photographier les terrains de foot de montagne. Très sobre, très long, mais avec des partis-pris nécessaires : celui qui le signe atteint son but, et hypnotise par sa justesse.
Au sein du Festival des premiers, deuxièmes et troisièmes films de cinéastes, qui se tient à Belfort jusqu’au 23 novembre, pour la quarantième fois, l’un des concurrents de la Compétition pour le Grand Prix Janine Bazin du long-métrage, entre autres, est la nouvelle réalisation du géorgien Alexandre Koberidze. Son précédent travail sorti en France, le très long Sous le ciel de Koutaïssi, voulait atteindre au cinéma d’auteur et au conte un peu merveilleux en même temps, avec en prime un aspect social : on pouvait juger qu’il y parvenait peu. Bonheur : ce nouveau fait d’armes opère les choix inverses. Il présente un fil narratif, montrant un père partant chercher sa fille de 28 ans, photographe sportive ayant laissé une lettre demandant à ce qu’on ne se lance pas sur ses traces. Avec en conséquence un parcours sur les routes de montagne géorgiennes, entièrement focalisé sur les terrains de football présents dans les villages, que la jeune femme était sensée partir immortaliser. Une trame qui se révèle un prétexte, on s’en doute assez vite.
Dry Leaf dure au final 3h05, et est entièrement réalisé dans une image peu nette, granuleuse. Pourtant, les amateurs de ce type de cinéma pourront aisément se sentir captivés. D’abord par le fait que le réalisateur ne tombe en conséquence jamais dans l’illustratif : loin d’être une promenade touristique fade, le périple suivi paraît un vrai voyage, poétique, dans une région. Cette dernière y est montrée sobrement, sans esthétisation bête et sans pittoresque gratuit. Mais tout de même aussi via des plans très larges, qui permettent eux de saisir sa lumière et son caractère. De ces choix, et du temps pris à explorer découle à l’écran une partie de la situation sociale que renferme cette dite région.
Pas question de ne viser qu’au pur réalisme : cette qualité d’image granuleuse paraît là pour faire remonter sous les yeux du public un peu de l’âme des endroits parcourus, pour faire apparaître celle-ci. Donc, si cette forme sobre et pas précipitée permet d’obtenir à l’image l’enregistrement d’heureux accidents du réel que l’on doit à la nature ou aux habitants du cru, de temps à autres aussi l’image verse vraiment dans le flou, comme si elle s’attachait à un détail indistinct et tentait de saisir ce qu’il renferme. Les mondes et dimensions cachés sont donc bien là, sur l’écran. D’ailleurs, le personnage central part pour son périple avec un fantôme, une voix qu’on entend, assise à côté de lui. Parfaitement en équilibre entre ses différents partis-pris, le réalisateur peut hypnotiser, tant la forme à laquelle il parvient semble intelligente et jamais trop forcée d’un côté ou de l’autre.
Ajoutons à cela que le film est empreint de variété et rythmé, pas trop lent pour être trop lent, et qu’il sait faire émerger un peu de gravité aussi, lorsque cette dernière couve. On a donc aisément envie de le ranger dans la catégorie très précieuse du cinéma de vagabondage, aux côtés de Passe-Montagne ou Western, de Poirier : irrigué par une vaste humanité, il emmène assez loin tout en faisant songer à soi.
Les Entrevues, Festival des premiers, deuxièmes et troisièmes films, se tiennent à Belfort jusqu’au dimanche 23 novembre 2025, pour leur quarantième édition.
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Visuel : Dry Leaf © New Matter Films