La cinéphilie d’Albi nous a offert une nouvelle proposition de cinéma le samedi matin. Pour la première fois depuis 27 éditions, le festival a décidé de créer une séance spéciale pour les formats courts. Dans la sélection des Œillades, 4 films intenses, porteurs d’esthétique et de sens. Panorama de ces mini-films, concentrés d’histoire et d’expérience.
Je joue Rodrigue a été primé par les festivaliers un peu partout en France comme à l’étranger, en Belgique et en Argentine notamment. Cette comédie romantique drôle et touchante en mode Love actually a tout pour plaire. Johann Dionnet qui réalise et joue dans son film, nous intronise dans le temple de l’art vivant. Juillet, Avignon est plein de son festival de théâtre où tous les genres se côtoient, comme l’humour potache et les classiques de Victor Hugo au hasard. Comment l’audacieux Stéphane qui tient un rôle dans Ma sœur s’incruste va-t-il réussir à séduire Clémence sortie du même conservatoire que lui, et qui interprète elle, un grand classique de la littérature ? A l’instar de l’excellente Constance Carrelet qui joue la frangine sur scène et dehors, le scénario sert des comédiens particulièrement adorables, sincères et sans filtre qui flirtent avec la tête à claque. Surtout Stéphane, ou sauf Stéphane… Pour qui l’amour c’est la vie, et la vie c’est aussi fort que le théâtre.
Un court métrage qui donne dans l’urgence, dès le premier souffle, dès la première image. Dans une course solitaire de 12 minutes à travers Paris la nuit, ce mini-film dresse une critique acerbe sur notre mode de consommation uberisée à outrance. Pas de trêve pour les états d’âme sous peine de malus au compteur. Une voix atone dans l’oreillette compte à rebours et replace systématiquement dans l’espace-temps, cette nouvelle notion de nos sociétés modernes : l’urgence. En réponse, le souffle époumoné de la coursière à vélo, Sonia Bonny endurante et parfois décontenancée par ses propres injonctions. Dans ce système infernal, elle interprète sa part d’humanité en seul un regard entre ténacité et vulnérabilité, comme une biche prise dans les phares. Comment dire ? Haletant.
Immersion tendre et poétique dans l’univers psychiatrique, cette zone grise que chacun abrite. A bonne distance, Quentin Delcourt partage son regard bienveillant sur l’anti-chambre de la norme, celle que l’on rejoint pour se réparer. Inspiré par la réalité douloureuse qui nous entoure, les personnages portent un message très actuel comme princesse qui suspend le temps au moment pile où tout a basculé dans sa vie, ou cette professeure qui craque et qui anticipe le burn out. Incarnés entre autres par Aïssa Maïga, Lin Danh-Pham, Agnès Soral, Ayem Nour, et Patrick Fabre, le casting est plus vrai que nature.
Confronté à des situations bien réelles, on côtoie les patients et leurs douleurs que le réalisateur nous montre avec pudeur, ainsi que le personnel soignant dont on sent l’engagement et les fêlures sous-jacentes. Aussi dense qu’une bande-annonce, ce kaléidoscope donne envie de s’arrêter sur chaque situation pour tirer le fil dont on devine le potentiel de narration. Ce film a quelque chose de juste, de fort en émotion. Avec humour et profondeur, il déconstruit sur grand écran le fantasme de la normalité, et témoigne de la résilience comme instinct de survie.
C’est un conte expérimental, que nous propose la sémillante canadienne présente toute la semaine à Albi. A partir de Newton et sa loi universelle des corps en mouvement, elle a développé ce récit sans paroles et pourtant qui dit tout de l’harmonie du vivant de la force d’exulter. Dans une forme inclusive, la chorégraphie libre et inspirée nous invite à nous connecter à l’instinct et à l’existant.
La terre est ronde, le ciel aussi. A travers l’épopée inclusive d’un groupe de copains, Béatriz Mediavilla a réussi à capter le murmure des pierres, l’oxygène des arbres et la sérénité de l’eau. Dans ce design musical, le silence des sous-titres participe à la mélodie. La réalisatrice a inventé un langage du corps, au début timide et qui finit par fusionner avec les éléments, qui devient élément. Une magnifique perspective du vivant qui met le corps et l’esprit en apesanteur.
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