Des Amours Simples (Viaje al cuarto de una madre), réalisé par Celia Rico Clavellino en 2018, est un film empreint d’une délicatesse rare qui explore la complexité des relations familiales. Ce premier long-métrage de la réalisatrice espagnole, salué pour sa sensibilité et son authenticité, nous plonge dans le quotidien d’une mère et de sa fille, révélant les non-dits, les silences et les moments de tendresse qui tissent la toile des liens familiaux. À travers une mise en scène épurée, Celia Rico Clavellino propose une méditation sur le passage à l’âge adulte, la séparation et le besoin de liberté.
Le film met en scène Estrella (jouée par Lola Dueñas) et Leonor (incarnée par Anna Castillo), une mère et sa fille vivant ensemble dans une petite ville andalouse. La routine de cette famille monoparentale est ponctuée par des gestes du quotidien, symbolisant une vie simple, mais profondément ancrée dans l’attachement et la complicité. Toutefois, Leonor, jeune adulte en quête d’indépendance, nourrit le désir de quitter le foyer pour tenter sa chance à Londres. Ce départ imminent crée une tension sourde entre les deux personnages, un mélange de tristesse et de fierté, révélant la difficulté de l’émancipation et le besoin d’accepter le changement.
Des Amours Simples explore avec finesse la transition de l’âge adulte pour une jeune femme qui doit, malgré son amour pour sa mère, se détacher pour se construire. Le thème de la séparation est au cœur du film : il ne s’agit pas ici d’un déchirement dramatique, mais d’un processus progressif, subtil, et profondément humain. Celia Rico Clavellino aborde la séparation avec douceur, montrant la façon dont chaque personnage réagit à sa manière, entre le désir de retenir l’autre et la nécessité de le laisser partir.
L’originalité du film réside dans sa capacité à capturer les nuances de cette séparation sans jamais sombrer dans le mélodrame. À travers des scènes d’une sobriété poignante, la réalisatrice donne vie à des émotions profondes et subtiles, faisant écho à l’expérience de nombreux spectateurs qui ont vécu ou vivent encore la complexité des relations parent-enfant. Les personnages, interprétés avec justesse par Lola Dueñas et Anna Castillo, nous apparaissent d’une humanité saisissante, ce qui confère à cette œuvre une portée universelle.
Celia Rico Clavellino opte pour une mise en scène intimiste, usant de plans rapprochés et de cadrages serrés pour traduire la proximité entre la mère et la fille, mais aussi l’enfermement émotionnel que chacune ressent face à l’idée de la séparation. Les choix esthétiques de la réalisatrice contribuent à rendre tangible le poids du quotidien, la routine, et ces gestes répétés qui finissent par structurer l’identité des personnages. La caméra suit les deux protagonistes dans leur intimité, captant des moments d’une simplicité bouleversante, comme un repas partagé, un regard échangé, ou le silence d’une absence.
Le film se distingue également par un usage subtil de la lumière et des couleurs, qui, tout en restant naturelles, offrent un contraste saisissant entre l’intérieur du foyer, doux et chaleureux, et l’extérieur, symbolisant l’inconnu et la liberté que Leonor souhaite découvrir. Le minimalisme de cette mise en scène est particulièrement efficace : il permet de concentrer toute l’attention du spectateur sur les émotions et les dialogues silencieux entre les personnages, rendant chaque geste lourd de sens.
Dans Des Amours Simples, le silence devient un langage à part entière. Les non-dits, les gestes et les regards occupent une place centrale, traduisant ce que les mots ne sauraient exprimer. Ce choix témoigne d’une grande maîtrise de la part de Celia Rico Clavellino, qui évite les dialogues inutiles pour privilégier la communication par l’émotion pure.
Chaque scène est imprégnée de cette atmosphère silencieuse où l’émotion se construit progressivement, laissant au spectateur la liberté d’interpréter ce qui est implicite.
Ce langage des silences s’avère particulièrement pertinent dans le contexte familial, où les émotions sont souvent tues pour préserver l’autre ou par pudeur.
Dans ce foyer de deux femmes qui ont appris à vivre dans une interdépendance affective, chaque regard et chaque mouvement sont empreints d’une tendresse mêlée d’une peur de l’abandon et du changement.
Avec Des Amours Simples, Celia Rico Clavellino signe une œuvre d’une sincérité poignante, où la beauté réside dans la simplicité et la subtilité de chaque instant. Ce film, au-delà de sa dimension narrative, s’impose comme un hommage aux liens maternels, au processus de l’émancipation et à la beauté des choses ordinaires. Le travail des actrices Lola Dueñas et Anna Castillo est d’une justesse remarquable, incarnant avec émotion et pudeur les différentes facettes de cette relation mère-fille.
Le film, loin de toute exubérance dramatique, touche par sa capacité à traduire la douceur et la complexité de ces « amours simples » qui, malgré leur apparente banalité, constituent la force des relations humaines. À travers ce récit intime, Celia Rico Clavellino nous rappelle que l’amour familial, même dans sa simplicité, est peut-être l’un des plus profonds et des plus universels.
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