Dans la cuisine des Nguyen, un premier film vibrant et audacieux !

C’est osé !

Une vietnamienne dans une comédie musicale « c’est comme un éléphant qui fait des nems, Ça n’existe pas ». Voilà un avant-goût des répliques bien servies du scénario concocté par Stéphan Ly-Cuong. Dans sa cuisine, la mère ne ménage pas Yvonne. Entre ses gestes ancestraux, elle sermonne sa fille dans une langue exotique aigre-douce, et c’est tout l’onirisme du Royaume de Siam qui révèle son stoïcisme et sa tradition. Pour son premier film, le réalisateur raconte sa lecture du destin tout en finesse et en contraste. La fantaisie d’un karaoké burlesque laisse parfois la place à l’émotion lorsqu’avec les souvenirs de la baie d’Along, les fantômes du passé réapparaissent pour une danse.

Un pitch très réel pour un casting de rêve

Yvonne Nguyen quitte le garçon avec qui elle vit car il ne cesse de la décourager dans son rêve de faire une carrière dans la comédie musicale. Elle retourne vivre chez sa mère qui tient un restaurant vietnamien dans la banlieue parisienne. Mais sa mère voudrait qu’elle prenne une voie plus viable comme épouser un médecin, vietnamien de préférence. Idéalement le fils de son amie d’enfance, mais il est gay. C’est un choc des culture radieux que nous propose Stephan Ly-Cuong. Intelligent, drôle et surprenant, le casting nous emmène en chanson dans une aventure fantasmée qui prend naissance dans un quotidien bien réel avec des épreuves à surmonter et des rêves à réaliser.

Le film met à l’honneur de nouveaux talents, à commencer par Clotilde Chevalier qui joue le rôle d’Yvonne -la rêveuse-, et Linh-Dan Pham. Comme un clin d’œil,  Thomas Joly joue son propre rôle. Et surtout Ahn Tran-Nghia et Marie-Thérèse Priou qui interprète la mère de Yvonne et son amie, deux femmes au caractère bien trempé qui nous livrent dans leurs attitudes facétieuses des discours savoureux.

Le rêve n’a pas de frontière

Ce film diffuse une énergie folle. C’est une comédie musicale avec une dimension sociale aussi puissante que rafraichissante. D’abord on y découvre en toile de fond, une communauté que l’on croit connaître à travers les plats de traiteur et les cartes postales de Thaïlande. Le réalisateur réussit à nous communiquer le parcours d’exode résilient de ses personnages. C’est comme se connecter avec une part d’identité qui compose notre propre mixité. Et cette rencontre est joyeuse, car elle nous donne l’aperçu d’une philosophie inoxydable. On y affronte avec le sourire quelques clichés bien ancrés dans notre époque, par exemple : Yvonne d’origine vietnamienne est « jaune dehors et blanche dedans » et pour trouver sa place, elle doit livrer bataille contre les diktats culturels et sociaux. On y voit aussi avec panache l’échec amoureux que connaissent tous ceux qui s’enlisent dans leur couple et renouent avec leur chambre d’ado chez leurs parents. On y côtoie au jour le jour le monde de la culture et on partage le quotidien des artistes intermittents entre feu sacré de la création et frustration de ne pas percer. Mais surtout, on croque à pleine dents cette vérité universelle des rêves que les préjugés n’empêchent pas de se réaliser.