Quel que soit le thème principal du Poitiers Films Festival, il y a toujours au moins deux avant-premières ; l’une en ouverture du festival, l’autre juste après la remise des prix. Une, deux ou trois autres ont lieu pendant la semaine. Pendant l’édition 2024, il y a eu deux autres avant-premières : Contre toute lumière dansent mes ombres est l’une d’elles.
On ne peut que saluer une programmation diverse qui, tout en donnant la part belle à l’espace – le thème de l’édition 2024 du Poitiers Film Festival –, permet aussi à des films comme celui de Sylvain Beaulieu d’avoir toute leur place. Cette soirée est d’autant plus particulière que l’audio description était performée en direct et non dans les habituels casques audio qui accompagnent régulièrement les mal voyants et les non-voyants lors des projections ou pendant les spectacles auxquels ils se rendent.
Contre toute lumière dansent mes ombres est plus un documentaire qu’un film qui se passe dans les rues de Poitiers et relate la vie de Sylvain Beaulieu, son réalisateur, depuis qu’il a perdu la vue à l’âge de 26 ans. Mais il y a un autre objectif à cette avant-première : faire toucher du doigt au public voyant, l’audio description qui accompagne les non-voyants et les mal voyants lorsqu’ils vont au théâtre ou au cinéma.
En ce lundi soir, l’audio description était donc performée en direct par Marie Diagne. C’est un public venu nombreux qui a donc assisté à la projection de cette tranche de vie ou Sylvain Beaulieu et ses témoins parlent de la vie d’un homme devenu aveugle à l’âge adulte. Mais c’est aussi l’occasion de découvrir que le combat de Beaulieu passe par la peinture ; et ses tableaux sont plutôt sympathiques. Certains d’entre eux étant exposés dans le foyer général du théâtre auditorium, le public a pu profiter de l’exposition avant et après l’avant-première, amis aussi le mardi toute la journée. Mais le témoignage émouvant de Sylvain Beaulieu qui a dû tout réapprendre, comme le braille, prendre de nouveaux repères, prendre les choses à bras-le-corps, nous fait aussi comprendre que malgré les mauvais coups de la vie, le combat mérite d’être mené. C’est d’autant plus vrai que l’on apprend pendant le film que Beaulieu est aussi atteint de sclérose en plaques – les résultats des examens passés à l’hôpital sont présentés comme un couperet ; la résilience du réalisateur face à ce nouveau coup dur impressionne. Sylvain Beaulieu continue à mener sa vie avec ses proches comme si de rien n’était entre peinture, escalade de murs, visites aux parents … Autant de moments de vie que le public salue par des applaudissements nourris. Applaudissements qui s’adressent aussi à Marie Diagne dont la voix claire et chaleureuse s’élève dans le théâtre comble.
Cette projection accompagnée par l’audio description en direct est une expérience intéressante pour le spectateur voyant qui a ici l’occasion de toucher du doigt ce que vivent les mal voyants et les non-voyants qui vont au cinéma et au théâtre.
Visuel : © Guillaume Héraud