Présenté à la Quinzaine des réalisateurs le printemps dernier, mais également dans plein de festivals, notamment ce mois-ci aux Œillades d’Albi, Conann est l’adaptation féminine du film culte Conan le Barbare par Bertrand Mandico. Un bal des actrices absolument époustouflant de beauté et de références mais aussi une bombe cathartique.
Une vieille dame aux fins cheveux blonds et aux traits tirés est propulsée dans un univers noir et blanc qui tire vers l’argentique d’une photo en plein développement. Une guide à tête de chien lui présente le lieu, l’enfer, et sa maîtresse, Conann la Barbare, avant de planter ses crocs dans son cou car elle trouve la nouvelle venue un peu trop sereine… Un flash de rouge très stylé envahit l’écran. Mais qu’on se rassure : une fois mort, on n’a plus mal…
Attention, âmes sensibles s’abstenir ! Lorsque le réalisateur Bertrand Mandico adapte le film culte de 1982 de John Milius Conan le Barbare – incarné par Arnold Schwarzenegger – d’après un recueil de nouvelles signé Robert E. Howard, il ajoute un « n » à Conan et choisit de travailler avec un cast uniquement féminin. Il transmue l’histoire en cycle de morts et de résurrections où Conann à 15 ans embrasse Connan à 25 ans avant de lui laisser la place, pour arriver jusqu’à 55 ans et un parachèvement de cruauté dandy. Dans des décors hirsutes et hallucinants – tous reconstruits dans une ancienne usine à Luxembourg –, c’est donc à une ronde entre actrices que l’on assiste : une femme qui naît dans la violence extrême et qui, à chaque étape, choisit de ne pas mourir et se métamorphose en guerrière de plus en plus cruelle. Rehaussée par un maquillage expressionniste, belle mais jamais réellement lascive, multipliant les armes fatales, Conann expurgée de ses muscles est profondément fluide et le film joue avec maestria sur tous les genres..
Conann est en effet un film ultra-référencé qui pointe évidemment vers les années 1970, vers Le Bal des vampires, les gialli, les damnées sublimes du cinéaste érotico littéraire Walerian Borowczyk, ou encore les jeux SM du Portier de nuit de Cavani. À entendre l’accent allemand du chien-coryphée de ce carnaval, on ne peut pas ne pas penser à Barbet Schroeder (sa rétrospective commence justement ce mercredi à la Cinémathèque) et à Bulle Ogier. Mandico nous propose une orgie visuelle au gore absolument intenable, livrée de manière absolument littéraire et théâtrale (l’origine du projet est une version scénique pour les Amandiers sur une commande de Philippe Quesne avant le covid). Ce faisant, paradoxalement, c’est comme s’il nous donnait les clés de son jardin secret de cinéphile, en même temps que celles de ses pires cauchemars et de ses plus grandes interrogations sur ce qui corrompt. Ce caractère très personnel de la proposition cinématographique embarque le spectateur qui ne reste pas extérieur à l’intrigue malgré le décorum et le maquillage. On vit réellement la barbarie de Conann et la catharsis est mémorable.
Conann, de Bertrand Mandico, avec Elina Löwensohn, Christa Theret, Julia Riedler, Claire Duburcq, Sandra Parfait, Agata Buzek, Nathalie Richard, Françoise Brion, Audrey Bonnet, Christophe Bier
1h45 – sortie le 29/11/2023.
visuel : © UFO distribution