Après Douches froides, Happy Few, ou encore Gaspard va au mariage, le réalisateur Antony Cordier revient cette année avec Classe Moyenne, une comédie sur fond de lutte des classes aux dialogues très soignés.
Mehdi, un jeune homme en phase de devenir avocat, part en vacances chez sa richissime belle-famille, les Trousselard. Mais voilà, rien ne se passe comme prévu : un conflit éclate entre ses beaux-parents et la famille de gardiens qu’ils emploient, les Azizi. Des vacances tumultueuses qui virent au cauchemar pour Mehdi lorsqu’il décide de mettre en avant ses compétences d’avocat et tente de mener les négociations entre les deux parties…
Après Happy Few, Antony Cordier retrouve une de ses actrices fétiches, Élodie Bouchez (la comédienne à la diction envoutante) pour son dernier film Classe moyenne. Dans Happy few (2010) déjà, le réalisateur mettait en scène deux couples : Rachel (Marina Foïs) et Vincent (Roschdy Zem) ainsi que Franck (Nicolas Duvauchelle) et Teri (Elodie Bouchez). Des couples qui n’étaient pas en guerre mais enlacés malgré des dynamiques de jalousies. Mais si Happy few était une romance dramatique et érotique, Classe Moyenne est une farce ardente aux accents politiques. Voilà, deux couples s’affrontant comme sur un terrain de tennis : les ouvriers Nadine et Tony joués par Laure Calamy et Ramzi Bedia. Et le couple bourgeois, Laurence et Philippe joués par Elodie Bouchez et Laurent Laffite.
Des dynamiques de rivalité dans ce dernier long-métrage poussées à l’extrême, se transforment en une véritable bataille. Une guerre des classes qui force le public à prendre parti et l’oblige à remettre en question son propre conformisme. Plutôt du côté des prolétaires ou des bourgeois déclassés ? Toujours est-il que chacun en prend -avec beaucoup d’humour- pour son grade. De l’ironie qui cache cependant une réelle réflexion sur nos acquis sociaux. Si les Trousselard sont insupportables, les Azizi qui ont eux les pieds bien ancré sur terre, flirtent parfois avec la folie. Le réalisateur fait ici une critique féroce du discours méritocrate. « Tout le monde méritant » balance Philipe Trousselard, le parisien issu d’un milieu aisé. Mehdi, major de sa promo, issu de la « classe moyenne » ne manque pas de lui faire remarquer qu’il est bien connu que Philippe ne prend que des « fils de » dans son cabinet. Une bataille féroce dans laquelle Mehdi, le personnage intermédiaire, ne sait où se positionner : un pied dans le luxe et un pied dans le smic.
Une farce qui n’est cependant pas tout à fait dénuée de sensualité- la signature d’Antony Cordier. Il joue bien sûr avec la volupté naturelle de l’actrice Elodie Bouchez (parfois tournée au ridicule) mais aussi sur l’espièglerie de la piquante Laure Calamy. Le mélange des deux donne une scène mythique impliquant un orteil et un jacuzzi à bulles (on ne vous en dit pas plus).
Si la comédie d’Antony Cordier a su se hisser jusqu’à Cannes (dans la section Quinzaine des Cinéastes) c’est certainement grâce à ses dialogues fouillés. Des répliques merveilleusement interprétés par ces duos de comédiens. Un scénario qui a été écrit à quatre mains (le réalisateur lui-même, Julie Peyr, Jean-Alain Laban et Steven Mitz). 4 mains pour quatre couples. Car en réalité la fin du film nous dévoile une autre relation : celle de Garance (Noée Abita) et Marylou (Mahia Zrouki), les filles respectives des deux familles. Une liaison supplémentaire qui n’est pas nécessaire à l’intrigue, perdant même un peu le spectateur en chemin.
De l’autodérision à fond les ballons qui rend la salle hilare. Parmi ces perles de répliques, celles de Philippe, le grand avocat qui abuse des locutions latines —utilisées à tout bout de champ et hors contexte. « Vous allez nettoyer ma voiture in extenso ». Il en va de même pour Laurence, l’actrice déchue, qui en toute humilité évoque sa filmographie qui a « beaucoup marquée l’imaginaire masculin ». Garance dont le plus grand « complexe de comédienne» est de ne pas réussir à pleurer, ne cesse de déclarer haut et fort qu’elle aussi a souffert (même si on ne dirait pas). L’on retrouve avec plaisir dans cette comédie l’actrice Noée Abita (Ava, Slalom, Les passagers de la nuit…) habituée des drames. La comédienne n’a de cesse de dévoiler son jeu au fil des années après des performances notables dans Ava ou Slalom. Sami Outalbali (Une Histoire d’amour et de désir, Fiertés, Culte…) est aussi très juste dans le rôle de Mehdi.
Et que dire des costumes de Sabrina Riccardi qui ne font que pimenter ce Vaudeville cinématographique. On se souvient de la robe métallique portée par le personnage de Garance et la robe rouge carmin de Laurence. Ou encore le combo parfait tenue/accessoires, très coloré et géométrique, porté par Garance à la dernière scène.
Antony Cordier porte à l’écran une satire sociale acide et humoristique qui tombe à pic en cette rentrée sociale sous le signe de la contestation.
Classe Moyenne en salle le mercredi 24 septembre, une comédie politico-humoristique.
Visuel: © Tandem