« Ciudad sin sueño », le long-métrage de Guillermo Galoe révéle la dure réalité du bidonville de la Cañada real
par Rose McCloud-Lieber03.09.2025
Périphérie de Madrid, de nos jours. Le réalisateur Guillermo Galoe nous fait évoluer dans le quotidien de familles roms vivant dans le plus grand bidonville illégal d’Europe. Ce film de fiction aux allures presque documentaires – à l’image du premier long-métrage du réalisateur, le documentaire « Fragil equilibrio » sorti en 2016 – est prenant et touchant, dépeignant une misère inimaginable et des modes de vie géographiquement proches de nous, mais culturellement si éloignés. Dans le prolongement du court-métrage du même réalisateur « Aunque la noche » se déroulant dans le même bidonville, nominé pour la palme d’or du meilleur court-métrage au Festival de Cannes en 2023, la caméra suit l’histoire de la famille de ferrailleurs de Toni, un garçon rom de 15 ans, qui se divise entre volonté d’une vie meilleure en ville et attachement à leurs terres et à leur culture.
Des enfants sans enfance
Ayant comme protagoniste Toni, 15 ans, « Ciudad sin sueño » nous fait voir la vie de plusieurs familles, mais surtout de plusieurs jeunes et enfants dans le plus grand bidonville illégal d’Europe, la Cañada real. On découvre alors un lieu où les enfants grandissent trop vite : on les voit – très jeunes – fumer, faire du commerce, conduire des motos, se droguer… Les seuls plans nous autorisant à les voir vivre une enfance presque digne de ce nom sont quelques rares plans où on les voit jouer… avec comme terrain de jeu une grande casse, leur permettant de faire des cache-cache au milieu de voitures déchées. Lorsque Toni doit choisir de rester dans son environnement familier avec ses grands-parents ou de partir vers un avenir meilleur, mais inconnu avec ses parents, on voit encore cet enfant à nouveau confronté à des questionnements d’adulte, privé encore une fois d’une forme d’innocence de l’enfance.
Un récit violemment poétique
Le réalisateur Guillermo Galoe a trouvé différentes manières originales et poétiques de nous conter ces histoires. Les prises de vue alternent entre des plans larges classiques, des longs passages de caméra à l’épaule nous faisant quasiment co-exister avec les personnages dans leur dur quotidien, et des scènes filmées par les protagonistes eux-mêmes comme des selfies, nous faisant entrer dans leur intimité et nous rapprochant encore plus d’un format documentaire au réalisme violent.
Guillermo Galoe utilise également à plusieurs reprises des filtres colorés très forts, étonnants dans un film presque documentaire, mais souvent très beaux et poignants, là comme pour cacher la misère de la vie dans ce bidonville dans lequel tout semble ne tenir qu’à un fil.
Le fait d’avoir choisi des acteurs non professionnels – au jeu excellent et naturel – ajoute à l’aspect presque documentaire de ce film de fiction, le rendant d’autant plus poignant. En 1 h 37, « Ciudad sin sueño » nous fait voyager dans un univers qui parait lointain tant il est différent de notre réalité, et pourtant pointe un projecteur sur une misère si proche géographiquement. Guillermo Galoe nous donne à regarder un film émouvant sur l’attachement : l’attachement aux lieux de vie qui nous ont vu grandir, aux personnes qui les peuplent, aux cultures dans lesquelles on a évolué.
Ciudad sin sueño, de Guillermo Galoe, avec Antonio Fernández Gabarre et Bilal Sedraoui, 1h37, film en salle le 3 septembre 2025
Visuel : ©Pan Distribution
