Acheter un château, ou vivre dans des maisons mitoyennes, habiter ensemble une vallée pour vieillir toustes ensemble, prolonger les soirées pyjamas et les nuits à refaire le monde : ce rêve nous l’avons toutes et tous déjà fait avec nos ami.es. Dans son d’optique documentaire qui sort au cinéma le 2 avril, le réalisateur Guillaume Brac nous dépeint deux jeunesses différentes qui rappellent au public ce que c’est que d’avoir entre 15 et 18 ans.
La caméra plonge de manière intime dans le quotidien de ce groupe de jeunes filles, ce qui est presque troublant au début du visionnage. Le son des voix est fort, peut être un peu trop, mais a pour effet de nous attraper et de nous laisser entendre les doutes et les joies de ce groupe d’ami.es qui habitent, de leurs affaires et de leurs corps, ce lycée et cet internat de Diois.
Cette intimité installe le public dans une position d’observation qui donne l’impression d’avoir accès à des scènes que nous ne devrions pas voir : l’intérieur des chambres où l’on aperçoit les murs composés de posters partagés, les soirées clandestines, les sacs qui traînent, les danses partagées, les lits défaits, les matins à se préparer, les coiffures que l’on s’aide à faire et à défaire… Au sein de ce groupe, qui se caractérise lui-même de sa « babosserie », quatre portraits sont dressés et annoncés par une coupure sur fond jaune, nette et un peu trop brutale, qui annonce leurs prénoms au fur et à mesure du documentaire : Aurore, Nours, Jeanne et Diane.
Le lycée dans lequel tourne le réalisateur se trouve dans une région enclavée dans la vallée de la Drôme, au pied du massif du Vercors. Cette région a attiré et attire encore aujourd’hui de nombreuses personnes désirant un mode de vie alternatif. De fait, cela se sent dans les conversations et les façons de vivre de ces lycéen.nes.
Jeanne, notamment, souligne l’anxiété liée aux problématiques environnementales et écologiques du monde dans lequel elle évolue. Sa réflexion est puissante et intelligente et, bien qu’elle soit individuelle, résonne de manière collective auprès de ses ami.es, mais également et surtout pour toute une génération qui a connu très tôt les manifestations pour le climat et les images d’un monde qui brûle.
Elle partage en voix off, son expérience de Sainte-Soline, une manifestation organisée par Les Soulèvements de la terre en protestation à la construction des méga-bassines, qui a mis en lumière les violences policières et la complicité de l’État à ce sujet. La jeune fille souligne la violence de cet événement dont elle a oublié certains moments.
Comme le précise le cinéaste, s’il dresse un portrait de groupe, les blessures encore à vif, comme l’inquiétude environnementale mais aussi le deuil d’un proche ou encore le manque d’un père approfondissent ces personnages et l’importance de cette période qu’est l’adolescence.
Le cadre temporel du documentaire nous projette au mois de juin, moment du passage du bac et du départ à l’université, période cruciale : les conversations et les questionnements vont bon train à ce sujet-là. Comment garder contact ? Et qu’est-ce que garder contact ? Est-ce qu’on a vécu les plus belles années de nos vies qui ne seront plus que des joyeux souvenirs ? Est-ce qu’on va revenir vivre dans cette vallée ?
Nous retrouvons ces doutes et ces difficultés individuelles de l’adolescence dans le documentaire Un pincement au cœur, qui suit Ce n’est qu’un au revoir. Si les jeunesses dépeintes dans ces documentaires ne se ressemblent pas, les jeunes adultes en devenir partagent la difficulté de ce que c’est que d’avoir un lendemain flou qui rend le présent urgent de vie.
Un diptyque empreint de réalisme qui nous immerge dans le quotidien touchant de ces adolescences contrastées entre joie, mélancolie et angoisses.
visuel : ©Allociné