Force engagée et forme avec du souffle sont les ingrédients qui permettent à ce film d’Arabie Saoudite de convaincre, et d’offrir des instants avec de la grâce.
Le récit d’une tentative d’émancipation, celle-ci étant espérée via un élément perturbateur arrivant d’une grande ville dans un minuscule village : voici ce que veut dépeindre Norah. Si cette formule de scénario est classique, le long-métrage se distingue, tout d’abord, par le fait qu’il prend place en Arabie Saoudite. La période choisie est celle des années 90, le lieu, un bourg du désert vraiment minuscule. La jeune Norah, donc, y vit avec un horizon que les autres limitent pour elle à ce cadre. N’ayant il faut croire plus guère de famille en ville suite à la mort de ses deux parents dans un accident, elle habite avec sa tante, et son petit frère également. La jeunesse qui s’active dans ce village semble ne jamais devoir le quitter : c’est ce qu’ont plus ou moins décidé les adultes. Voici qu’arrive un instituteur. L’élément qui va fasciner Norah est le fait qu’il dessine. Elle qui ne sort de la maison de sa tante qu’intégralement recouverte va vouloir, par tous les stratagèmes possibles, être dessinée.
Le film parle d’aujourd’hui en parlant d’hier : dans ce monde sans Internet, Norah découvre ce qu’on lui interdit de connaître via des magazines de mode ou de beauté qu’elle achète sous le manteau, tous droits venus de la ville au loin. Et le choix d’un cadre aussi réduit fait que rien ne se disperse, dans le récit. Les enjeux et surtout les limites posées naturellement par ce lieu d’habitation se manifestent de façon claires, mettant des bâtons dans les roues des personnages rêvant d’autre chose. Quant aux séquences où l’oppression devient très visible, elles sont conduites sans être appuyées : au détour d’une scène de vie quotidienne, un détail saute tout à coup aux yeux.
Ne reste qu’à se laisser séduire par les touches délicates que l’on distingue ici et là, dans la mise en scène ou le scénario. Tel ce personnage antagoniste, dont on apprend tard qu’il ne sait pas lire. Ou la place donnée aux séquences où le professeur tente de faire son travail. Sans oublier les quelques instants de pose devant cet instituteur-dessinateur, où un stratagème est utilisé. Et bien entendu, les scènes où la sensibilité de l’héroïne Norah est traduite. Habitées, elles aussi, par bien peu d’effets, mais travaillées ce qu’il faut pour glorifier cette lutteuse tenace, et en même temps laisser voir son épuisement. Avec l’interprétation de Maria Bahrawi comme appui, si intense et si sensible.
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Visuel : affiche anglophone de Norah