Ce nouveau film de Boris Lojkine accroche grâce au travail sur le son magistral qu’il affiche, et à ses acteurs, donnant tout. Autant d’éléments qui entraînent aisément à la suite de son héros.
Souleymane est un sans-papiers. Son histoire, c’est en fait celle qu’il doit raconter lors d’un entretien qu’il se prépare à passer, et qui comporte notamment dans son déroulé la mention de son adhésion à un parti politique réprimé. Cette histoire n’est pas la sienne, elle ne lui est pas vraiment arrivée : il répète son discours avec Barry. Enfin, il essaye, tant ce dernier fait se succéder vite les candidats qu’il prépare, leur demandant en prime des gros frais. Pour le payer, Souleymane fait le livreur jour et nuit, en cheville avec Emmanuel, mais lui aussi lui fait des histoires, en s’arrangeant pour ne pas le payer.
Pas misérabiliste, ce nouveau film de Boris Lojkine est toujours porteur de la manière de procéder fine du réalisateur : attaché aux faits, il use des procédés du cinéma pour les rendre sensibles, et non pour les expliquer à outrance. Il ne montre pas une rue encombrée ou son héros fonçant à vélo sur la chaussée : il préfère, dans pas mal de séquences, donner un rôle prédominant au son. Ce faisant pour commencer, il vient rappeler que cette atmosphère sonore fait partie de l’identité de Paris : peu de réalisateurs y pensent. Ces bruits de la rue, et de la vie, suffisent à faire ressentir toute la sève de l’histoire donnée à suivre. On y est plongé d’emblée, on ressent tous ses enjeux. Et on salue à ce titre Charlotte Butrak, cheffe monteuse son du film, et les monteurs son Pierre Bariaud et Marc-Olivier Brullé, et du mixeur Samuel Aïchoun, ainsi que des équipes œuvrant avec eux. Avec, bien entendu, des dialogues nullement écrasés par ce monde sonore qui les entoure.
Magnifiquement dirigés, les interprètes paraissent tout donner. Sans jamais être en force. Ils sont porteurs d’une énergie bien particulière, qui évoque l’idée de… survie, en fin de compte. Et ce même chez les protagonistes à l’attitude négative et pas sympathique. Emmanuel Yovanie impressionne en employeur qui ne donne rien, tout autant qu’Alpha Oumar Sow, qui vomit toute son âme lorsqu’il commande à Souleymane de ne compter que sur lui-même pour se préparer, tant lui en a déjà tant d’autres qui passent devant lui pour s’entraîner le temps de deux minutes. Avec, au premier plan bien sûr, Abou Sangare, si juste et brûlant d’un feu menacé, dans la peau du héros central. Entraîné dans ce récit mené avec force et justesse, on admire aussi la mise en scène de temps à autre. Aux côtés de ce travail sonore et de ces interprètes, elle n’a pas de mal à se montrer sensible, au sens littéral du terme, comme lors de ce passage où Souleymane doit livrer des policiers dans leur camionnette. Son point de vue, alors, est superbement traduit.
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L’Histoire de Souleymane sortira dans les salles françaises le 9 octobre.
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Visuel : (c) Pyramide Distribution