Il n’est pas si facile de succéder à Meryl Streep, monstre sacré consacré par une palme d’honneur à la cérémonie d’ouverture au Palais du Festival. Les quatre acteurs principaux du film qui a suivi avaient pourtant l’étoffe des grandes stars : la James Bond girl Léa Seydoux en robe argent glamour, Vincent Lindon à contre-emploi de ses rôles sociaux, Louis Garrel en éternel dandy et Raphaël Quenard, « it » boy du moment. Et pourtant, maltraités comme l’ensemble du 7e art dans le film d’ouverture Le deuxième acte, les quatre acteurs et actrice frenchy ont eu bien du mal à porter les propos de leur réalisateur, Quentin Dupieux.
Tout commence dans la belle campagne de Dordogne avec des longs plans-séquences où deux couples discutent en marchant : David (Garrel) tente de convaincre son ami Willy (Quenard) de séduire Florence, une belle femme qui s’est amourachée de lui et qui ne l’attire pas … Attention Terrain glissant. Quant à Florence (Seydoux), elle est dans la BMW de son papa (Lindon) à qui elle veut présenter David dont elle est folle.
Très vite, les masques tombent et l’on comprend que nous sommes dans un « film dans le film » : les deux couples sont en fait quatre comédiens qui ont accepté de tourner dans un film dirigé par une IA et qui enfilent les clichés comme des nouilles sur un collier d’élève de CP. On les retrouve dans un restaurant perdu « Le deuxième acte » où ils se fritent devant des figurants… C’est très bavard, les mises en abyme sont d’une grossièreté à couper le souffle ; on voit Vincent Lindon moqué pour ses tics par Léa Seydoux ; à la fin de la journée de tournage, il remet sa moustache, comme dans le film de Carrère…
Et surtout le platonisme de comptoir et la caverne de bistrot que nous propose Dupieux ne justifient en rien que des vannes homophobes et sexistes se succèdent ainsi. Le second degré ne rend pas ce « Deuxième acte » moins insultant ; notamment pour le 7e art lui-même, tandis que ceux et celles qui vivent pour et par le cinéma, acteurs, techniciens, figurants et cinéphiles, sont constamment injuriés. Ce film est un condensé de what the fuck aux images élimées, jusqu’au dernier plan qui montre les rails édentés qui porteraient le matériel des interminables travellings.
Deuxième acte est rien de moins que le 4e film de Quentin Dupieux en 2 ans. Monsieur Oizo se serait-il réincarné en Jean-Pierre Mocky ? Ce dernier, au moins, veillait à ce qu’il y ait un scénario avant de dire « moteur ». Même les plus grands fans de Rubber et Mandibule conviendront qu’il est temps que Dupieux se pose et réfléchisse avant de tourner.
Le deuxième acte, de Quentin Dupieux, avec Léa Seydoux, Vincent Lindon, Louis Garrel, Raphaël Quenard, Manuel Guillot, France, 1h20, projection en ouverture du 77e festival de Cannes. Sortie française Diaphana, le 14 mai 2024.
© Chi-Fou-Mi / Arte France Cinéma
Pour retrouver nos articles sur le 77e Festival de Cannes, consultez notre Dossier.