Cannes : « Kinds of Kindness » de Yórgos Lánthimos fait grincer des dents la croisette de manière très attendue
par Yaël Hirsch18.05.2024
Yórgos Lánthimos ne quitte plus Emma Stone et retrouve des habitués : Efthýmis Filíppou au scénario et Margaret Qualley ainsi que Willem Dafoe pour une nouvelle comédie macabre. Sous un titre génial, Kinds of Kindness désarticule en trois parties la violence théâtrale d’emprises sans limites. C’est magistral au point de vue de la mise en scène, mais le théâtre de la cruauté du réalisateur grec se répète un peu comme un disque rayé et ce, pendant plus de deux heures trente…
Trois types d’emprises pas si gentilles que cela
Tournée dans une Nouvelle-Orléans grise qui apparaît bien morose après un générique tonitruant (« Sweet Dreams » d’Eurythmics), Kinds of Kindness raconte trois dominations totales : « un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble être une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux. » Spécialiste du gore et du sexe crus et absurdes, Yórgos Lánthimos va peut-être encore plus loin dans son théâtre cruel en jetant et reprenant ses acteurs pour leur donner un autre rôle à chaque acte. Sans trop systématiser non plus, de nouveaux visages arrivent aussi.
Pour la photo et les acteurs et actrices…
Les cadres sont uniques et la photo toujours aussi magnifique chez Lánthimos, l’humour noir est au rendez-vous (on adore les raquettes brisées de McEnroe comme cadeaux ultimes dans le premier acte) et les humains continuent de parader comme des animaux cruels et sans âme. Un loup pour l’homme… ou la femme qui accepte, sous emprise, de devenir criminelle, d’être rejetée ou de se découper le foie. Emma Stone et Margaret Qualley ont une aura vénéneuse digne d’un film de Brian de Palma, Willem Dafoe est tel qu’en lui-même, assez génial en gourou abusif tout de slip rouge vêtu. Mais le choc de ces trois épisodes, c’est bien l’amoureux de Kirsten Dunst, Jesse Plemons (Breaking Bad) qui a un côté Dirk Bogarde dans les rôles déjantés que lui attribue Lánthimos.
Un théâtre sans émotion
Néanmoins, malgré une patte unique et un savoir-faire remarquable, le réalisateur de Canine et de The Lobster ne nous touche pas dans cette trilogie de pantins désarticulés où la violence pour la violence a du mal à se métamorphoser en art. Yórgos Lánthimos perfectionne son art de l’image et sa déconstruction de la noirceur supposée manœuvrer l’humain, mais c’est trop froid et déconstruit pour nous ébranler.
« Kinds of Kindness », de Yórgos Lánthimos, avec Emma Stone, Margaret Qualley, Willem Dafoe, Jesse Plemons, Mamoudou Athie et Hunter Schafer, 2024, États-Unis, Royaume-Uni, 165 minutes, en compétition officielle au 77e Festival de Cannes, Sortie française le 26 juin 2024.
Visuel : (c)The Walt Disney Cie
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