Le soleil et l’affluence étaient au rendez-vous ce premier vendredi de festival où la foule massée devant le palace et les marches a eu sa jolie dose de stars : Richard Gere, Jacob Elordi et Uma Thurman au générique du Paul Schrader et Emma Stone et Willem Dafoe chez Yórgos Lánthimos. Sans compter Nicolas Cage pour le film de minuit : The Surfer. Mais nos héros du jour sont des héroïnes : Judith Godrèche magnifique dans son talk pour la série Women in Motion et Louise Courvoisier pour un premier film étonnant sur deux jeunes fromager du Jura… Par Yaël Hirsch, Geoffrey Nabavian et Paul Fourier.
Judith Godrèche a donné ce vendredi 17 mai 2024 un talk de la série Women in Motion dans la suite Kering de l’hôtel Majestic. « Cela fait déjà six mois ? » a-t-elle demandé, avant d’éclater de rire, malgré la fatigue d’une grande guerrière. Oui, six mois qui changent beaucoup de choses. Alors que son court métrage Moi aussi était présenté le 15 mai à la cérémonie d’ouverture d’Un certain regard Judith Godrèche a raconté comment est né son court métrage lorsque, débordée par les témoignages de 5 000 personnes qui disaient « moi aussi » ou qui commençaient un dialogue avec elle, elle a décidé de les réunir dans une rue de Paris et de « proposer un projet pour leur rendre hommage ». La question d’être visible, d’être reconnue avec son histoire est cruciale. Même si la réalisatrice qui a « brisé un silence qui était le sien depuis très longtemps et (qui) porte plainte contre deux réalisateurs français » est fatiguée de toujours devoir être parfaite – jusque dans son apparence et dans son phrasé –, elle dit avoir « l’énergie d’une enfant qui a besoin d’une forme de justice ou d’une forme de réparation. Elle est consciente qu’elle a participé à changer les choses, notamment pour que la génération suivante n’ait pas à vivre la même chose. Elle dit le faire avec des hommes, des femmes et tous les genres. Que cela fait d’elle, qui jusqu’ici a été centrée sur sa vie, une personne meilleure. Et au moment où il est temps de recommencer à travailler et à gagner sa vie, elle ne sait pas si elle a encore envie d’être actrice. En revanche, l’écriture a toujours été là et, désormais, elle est permise. L’heure n’est plus à penser que « la place du réalisateur, c’est la place de l’autre du père ».
Le film ayant servi à ce qu’Un certain regard s’ouvre, cette année, est au final une chronique islandaise sympathique, et concentrée, mais qui peut laisser indifférent ceux qui ne sont pas sensibles à ses thématiques.
L’Invasion constitue un documentaire montré Hors Compétition, qui donne l’occasion à Sergueï Loznitsa de ré-expérimenter une nouvelle fois ce type de cinéma. En cadrant cette fois de son mieux les conséquences de l’invasion russe sur les habitants d’Ukraine. Un essai pour lequel le cinéaste ne renonce pas à sa manière de faire, toute en distance bien réfléchie.
À la quinzaine des cinéastes, l’un des pilier du groupe Omnes Films, Tyler Taormina, nous proposait un saut dans le temps avec une BO musclée. Nous nous sommes retrouvés plongés dans le dîner de Noël d’une famille dysfonctionnelle au coeur des États-Unis. Avec une troupe de comédiens (dont Michael Cera, Francesca Scorcese ou Sawyer Spielberg) qui ont des tronches et une mise en scène proche du western spaghetti, le film commence comme un coup de poing mais s’essouffle un peu malgré le caractère marqué de sa photo. Christmas Eve in Miller’s Point dépeint une Amérique indépendante mais peut-être pas si avant-gardiste que cela.
Louise Courvoisier propose un premier long métrage absolument bluffant en section Un certain regard. On y suit Anthony alias « Totone » qui a 18 ans, pas beaucoup de plomb dans la tête et se retrouve responsable de sa petite sœur Claire. Il se met à bosser, s’en occuper et, surtout, il décide de reprendre le métier de son père brusquement décédé : fromager. Une immersion dans le Jura, ses métiers et un portrait de jeunes gens absolument lumineux.
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Le réalisateur grec de Canine et de The Lobster nous plonge en trois épisodes dans trois histoires de domination allant jusqu’au bout de l’emprise. Il retrouve son scénariste, Efthýmis Filíppou, pour trois histoires cruelles où la divine Emma Stone, Jesse Plemons, Margaret Qualley et Willem Dafoe interprètent à chaque fois les personnages centraux. La mise en scène est juste époustouflante, la photo puissante, mais rien ne nous touche vraiment dans ces morceaux de bravoure en pièces détachées. Yórgos Lánthimos perfectionne son art de l’image et sa déconstruction de la noirceur supposée manœuvrer l’humain, mais c’est trop froid et déconstruit pour nous ébranler.
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Tenté parmi la programmation de la Quinzaine des cinéastes, ce long-métrage sur une jeune japonaise très dépressive, il faut croire, se livre à un peu trop de détour pour vraiment donner à réfléchir sur sa protagoniste centrale.
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L’égarement de trois français qui débarquent dans le Cambodge de Pol Pot est l’occasion pour Rithy Panh de se replonger sur le génocide qui a frappé son pays. Si le film est imparfait, il vaut pour le témoignage et un rappel de l’ignorance et de l’aveuglement qui peuvent saisir les occidentaux quand l’horreur se situe bien loin…
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Nous étions ravi.e.s de retrouver Richard Gere qui continue à bien maturé dans l’adaptation d’un roman du regretté Russell Banks, Oh, Canada, par l’ancien scénariste de Brian de Palma, Paul Schrader. Et Uma Thurman, toujours aussi sublime, dans le rôle de sa femme, Emma. C’est à elle que le personnage du film veut s’adresser, quand, à la veille de la mort que lui promet le cancer qui le terrasse, deux anciens étudiants proposent de faire un documentaire sur lui. Les images caravagiennes sont belles, mais tout ceci traîne en longueur. Le héros qui a refusé la guerre du Vietnam et a traversé la frontière du Canada est aussi un séducteur fatigué et fatigant, qui a déserté ses femmes et son fils. Les voix narratives se multiplient, les images sont redondantes et la réflexion sur le rôle des images et sur le cinéma, citations de Susan Sontag à l’appui, est épuisante. Après le Coppola de la veille, on réalise que si, parmi les vétérans d’Hollywood, certains sont capables de renouveler leur casting (ici le hit boy Jacob Elordi, d’ailleurs fade), ils ont néanmoins du mal à donner du mordant à leurs images.
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Juste après la projection de Mi Bestia de Camila Beltrán, l’ACID faisait sa fête sur la plage exactement. L’occasion de danser et de regarder les étoiles après une journée riche en émotions.
Visuel (c) YH
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