Maïwenn est de retour sur la Croisette et fait l’ouverture du 76e Festival de Cannes avec… Johnny Depp en Louis XV. Un programme alléchant qui fait plouf tant l’écriture et l’interprétation font de cette Jeanne Du Barry un personnage franchement insignifiant.
Bijoux et robes Chanel, tournage à Versailles, caméra 35 mm, Pierre Richard en Richelieu, Johnny Depp en Louis XV et Benjamin Laverhne en La Borde : Jeanne du Barry avait tout pour nous séduire. Et pourtant, Maïwenn traverse le film dans le rôle-titre dans un frottement de soie où rien n’aboutit : la jeune fille trop aimée par le patron de sa mère, l’emprisonnée chez les nonnes, la lectrice fervente et la libertine qui adore « la galanterie », tout fond dans un ricanement superficiel, au contact d’un Louis XV incarné de manière hiératique et assez passionnante par un Johnny Depp bouffi, gras et in fine vérolé, lui qui sort à peine d’un procès terrible avec Amber Heard. La du Barry que Maïwenn dépeint n’arrive pas à décider si elle est matérialiste, libertine ou grande amoureuse du roi. Si elle s’est extraite de sa condition en lisant et avec esprit, ou si elle parle le phrasé du peuple en ricanant, pour finir guillotinée.
Maïwenn a beau être une « femme réalisatrice » sur le tapis rouge cannois, en termes féministe, la figure de la courtisane qui s’accroche à son statut de parvenue ne fait ni réfléchir, ni rêver. Inspirée par le personnage interprété par Asia Argento dans le film Marie-Antoinette de Sofia Coppola (mais également, comme on peut le supposer, par celui de Michèle Mercier dans Angélique, marquise des anges), la du Barry se veut sexy. Relevant ses jupes si longues et si blanches, Maïwenn se veut libre, et c’est juste un peu gris et triste, alors qu’on nous promettait le siècle des Lumières. Même Versailles est joliment convenu, filmé dans ses moindres détails, toujours autour des mêmes trois pièces, au fil des saisons. La photo est superbe, mais vide, et la musique est bêtement assourdissante.
Surtout, ceux et celles qui aiment Maïwenn, la Maïwenn de Pardonnez-moi à ADN, aiment l’urgence de son cinéma. Or, là, pendant près de deux heures, elle se balade à Versailles en robe à crinoline, prend son temps à répéter les rituels et à traverser les intrigues de cour, face à des princesses caricaturales qui ressemblent plus à des filles Thénardier qu’à de potentielles souveraines. Le costume a amidonné la fougue et la folie de Maïwenn et son film manque cruellement de vie et d’âme.
Jeanne du Barry, de Maïwenn, avec Maïwenn, Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Melvil Poupaud, Pierre Richard, Pascal Greggory, India Hair. France, 2023, Le Pacte. Film d’ouverture du Festival de Cannes, sortie française le 16 mai 2023.
Photos : (c) Le Pacte
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