Cannes, En Compétition : « Caught by the tides », lassant collage

par Geoffrey Nabavian
25.05.2024

Mettant bout-à-bout des séquences tournées tout au long des vingt-cinq dernières années, Jia Zhang Ke provoque l’ennui. Et non pas l’épopée intime pleine de souffle attendue.

Avec ce nouveau long-métrage, Jia Zhang Ke entend user de séquences tournées par lui au fil du quart de siècle écoulé, afin d’évoquer une bonne part de l’histoire contemporaine de la Chine. Tout en déroulant aussi un récit, assez ténu. D’emblée, le film nous fait sentir qu’il faut s’accrocher : non narratives, lesdites séquences sont des portraits de lieux, d’habitants de région rurale, ou des témoignages de ce tout début de XXIe siècle. On passe d’une scène à l’autre sans énormément de lien, et de fait, on passe du coq à l’âne. Certes, on comprend l’idée de faire le portrait d’un territoire. Mais plusieurs problèmes se posent.

Décousu

On commence par se remémorer à quel point Jia Zhang Ke aime les embardées scénaristiques : la question qui se pose toujours, en un tel cas, est celle de la fluidité. Dans ce film-ci, ce n’est pas tant que ces scènes filmées, il y a plusieurs décennies, durent trop longtemps. Non : ce qui égare l’attention est davantage leur nature technique extrêmement disparate. En fait, d’une image à l’autre, tout change. En conséquence l’alchimie peut apparaître dure à trouver. Ces variations de format, de photo, d’échelle, à outrance, entraînent un changement constant de rythme et de ton.

Fil narratif artificiel

Si on ajoute à cela que l’histoire squelettique tracée, mettant en scène comme d’habitude l’actrice Zhao Tao, peine à convaincre, il y a peu auquel se raccrocher. Elle semble tout d’abord banale et trop infime, et donc comme plaquée de force. En prime, lorsque certains de ses épisodes sont sensés nous être montrés, on se sent un peu démuni, comme devant cette séquence où l’héroïne se fait durement violenter par celui qu’elle aime hélas – ou par un autre homme, l’attention s’égarant… – dans un bus. Quel est le contexte ayant amené à leurs deux comportements, et pourquoi surtout ceux-ci ont-ils désespérément des allures très gratuites, façon bouts d’essai finalement pas gardés, ou pure performance, hors de propos ? Pour produire du choc et de la rencontre à partir de collages de séquences, il vaut mieux ne courir qu’un lièvre à la fois, surtout. Et s’assurer qu’une très bonne part du matériau à mettre à l’écran qu’on a a sa place dans notre collage, sous peine de fragiliser le tout…

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