Cannes, Compétition : « Club Zero » de Jessica Hausner, un film anoréxique

Dans un lycée privé hyper huppé tenu par une directrice plus stricte que dans les années 1950 (Sidse Babett Knudsen, toujours parfaite) une nouvelle enseignante vient partager avec les élèves sa science de « manger en pleine conscience ». Miss Novak (Mia Wasikowska) est célibataire, connue pour avoir créé une tisane purifiante et elle a tout son temps à consacrer à un petit groupe de 12 élèves. Mais que se passe-t-il quand elle encourage ces âmes fragiles à passer de la modération alimentaire à la grève de la faim ? Les parents ont bien du mal à démanteler ce criminel « Club Zéro ».

Mise en scène soignée

Avec une mise en scène aussi colorée que glaciale et une photo digne de l’école de Vienne, Jessica Hausner nous propose un voyage dans les milieux huppés. Elle fouille les coulisses de ce qui se présentent comme brillants aux yeux de tous avec la même assiduité que son compatriote Ulrich Seidl. Ce Club Zéro se veut à la fois grave et comique, passant par une ironie terrible, un manque total d’empathie et un absurde qui monte jusqu’au ricanement. C’est ponctué par de la (bonne) musique, pour donner un peu de rythme à ce qui semble se répéter : manger en pleine conscience rend plus puissant, plus intègre et permet d’épargner la planète. Une croyance qui se transforme en mantra et qui trouve son climax avec l’excès délirant de l’arrêt de l’alimentation pour des adolescents.

Un film anorexique

Le sujet est grave et les images le traitent sublimement. Le problème est que la réalisatrice ne choisit pas entre trois voies : celle de l’influence sectaire, celle du manque d’attention des parents (avec Elsa Zylberstein en jolie maman d’élève) ou celle de l’engagement politique de la génération Z. L’anorexie semble gagner la réalisation même du film, comme s’il s’agissait d’une épidémie. Elle maintient son sujet dans la froideur d’un détachement qui n’est plus feint et cela ne prend pas. On ricane, on se sent gêné mais l’on subit et coupé de son empathie, l’on ne réfléchit pas.