Le film de Rithy Panh a été réalisé avec de petits moyens mais, parfaitement maîtrisé, il n’en constitue pas moins un témoignage subtil et terrible sur le génocide cambodgien.
Au début du film, trois Français (Lise (Irène Jacob), Alain (Grégoire Colin) et Paul (Cyril Gueï)) sont échoués sur une piste d’atterrissage. Ils ne savent pas vraiment où ils sont et, pour tout dire, ils vont mettre du temps pour se situer géographiquement comme intellectuellement. Deux d’entre eux ont les attributs de reporters armés de leur matériel et semblent dans la roue de celui, admirateur du « Kampuchéa démocratique », qui a bénéficié des faveurs du régime pour venir admirer la belle réussite qui est en train de s’effectuer. Paul est le premier à péter les plombs sur la comédie sinistre qu’on leur présente. La réalité (celle des deux millions de personnes victimes du délire de Pol Pot) va, petit à petit, s’imposer à chacun et la suite ne va pas se dérouler tout à fait comme prévu.
Des superbes Larmes du Cambodge (When The War Was Over) d’Elizabeth Becker, Rithy Panh et Pierre Erwan Guillaume ont tiré, avec la délicatesse nécessaire pour traiter ce sujet terrible, un scénario efficace pour une histoire implacable. Il est juste dommage que les personnages des Français, aussi otages qu’invités, frisent la caricature dans leurs attitudes et leur naïveté, ce qui a des conséquences sur un jeu d’acteur parfois artificiel. Ce n’est, en revanche, pas le cas des Cambodgiens (dont les admirables Bunhok Lim et Somaline Mao) que le réalisateur peint admirablement dans leur écartèlement entre soumission et terreur.
Rithy Panh ne bénéficiait sûrement pas de gros moyens. Mais la contrainte a engendré une forme quasi poétique pour la représentation du cauchemar vécu par le peuple cambodgien. Et quelques rappels de ce que peuvent être les hommes en pareilles circonstances évitent l’écueil du « tous des monstres ». Quelques scènes sont puissantes, telle celle où Alain se prête à un moment fort divertissant pour des soldats, resté(e)s femmes et hommes malgré leur endoctrinement inhumain.
Enfin Panh a l’intelligence de rappeler que l’horreur n’empêche pas les mecs de se comporter comme des mecs et Paul de draguer Lise.
Si le film possède forces et faiblesses, on le prend surtout pour ce qu’il est : la nécessité sans cesse renouvelée pour celles et ceux qui ont survécu à la folie meurtrière d’État, de se rappeler, de témoigner et d’analyser. En cela, c’est un film à apprécier à sa juste valeur.
Rendez-vous avec Pol Pot, un film de Rithy Panh, avec Irène Jacob (Lise Delbo), Grégoire Colin (Alain Cariou), Cyril Gueï (Paul Thomas), Bunhok Lim (Sung), Somaline Mao (Ieng Thirith) ; scénario : Pierre Erwan Guillaume et Rithy Panh, d’après Les Larmes du Cambodge (When The War Was Over) d’Elizabeth Becker, 1h52. Sortie en salles le 05 juin 2024.
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