«Brûle le sang», le polar niçois nerveux et esthétique de Akaki Popkhadze
par Farah Malaoui21.10.2024
Projeté le premier jour de la compétition au Festival international du film de Saint-Jean-de-Luz, ce film signe le talent singulier d’un nouveau cinéaste.
Dans les quartiers populaires de Nice, un pilier de la communauté géorgienne locale se fait assassiner. Son fils Tristan, qui aspire à devenir prêtre orthodoxe, se retrouve seul avec sa mère en deuil. C’est alors que réapparait Gabriel, le grand frère au passé sulfureux, qui revient d’un long exil dans le but de se racheter en lavant l’honneur de sa famille.
Une tragédie sacrée
Tout commence par l’assassinat à bout portant d’une figure locale de la communauté géorgienne sur une terrasse en plein soleil. S’ensuit une déflagration d’une heure quarante-neuf minutes, durant lesquelles Nicolas Duvauchelle, Florent Hill et Finnegan Oldfield nous immergent dans la vie souterraine de Nice. Le réalisateur a construit une tragédie mafieuse sur les trois piliers qui lui sont chers : la famille, la religion et la violence, pour questionner le destin inéluctable. Que l’on choisisse le chemin de l’église ou celui du crime, les voies du Seigneur sont impénétrables.
Vengeance et miséricorde
Les deux vont de pair, tellement l’une soutient l’autre ; et c’est précisément le point de départ opposé de chacun des frères. Deux trajectoires inverses avec un point de bascule identique. Gabriel -Nicolas Duvauchelle méconnaissable- est un voyou repenti qui s’engage dans un retour fatal ; et Tristan -Florent Hill grâcieux comme un ange- est un futur prêtre mit à l’épreuve dans la sincérité de son abnégation. Leur quête de vengeance et de miséricorde est scellée au même désir intime de justice et de réparation. L’assassinat du père a réuni les frères, mais chacun suit son propre chemin entre transgression et rédemption. Les scénaristes ont savamment distillé l’ambivalence des valeurs pour dessiner une ligne de crête vertigineuse dans la morale.
Filmé à travers le juda
De la lumière aux ténèbres, le cinéaste a joué sur les contrastes photo des tableaux lumineux de la baie des anges contre la noirceur souterraine de la pègre locale. Enchaînant les plans en grand angle, au plus proche des acteurs, il filme comme on regarde à travers le juda. Un parti pris radical qui malmène le spectateur. On se tient debout sur le pas de la porte avec la tension du danger, on braque une arme impulsif.ve et fébrile, on cavale à travers l’appartement pour sauver notre peau. Tendu de bout en bout par ce corps à corps avec les trois comédiens -au passage magistraux-, on reste groggy devant le final mystique.
Avec ce polar très abouti à la violence maîtrisée et à l’esthétique singulière, Akaki Pophkadze consigne, avec ce premier long métrage, une réalisation très inspirée, comme une signature.
Visuel :© Jean-Louis Paris
