Blaga’s Lessons sort sur les écrans ce mercredi 8 mai. Une réflexion sur la société actuelle en forme de film policier.
Blaga est une professeure de bulgare à la retraite. Les temps sont durs et, pour offrir une sépulture digne à son mari mort récemment, elle enchaîne les cours particuliers, mettant méticuleusement de côté chaque pièce gagnée. Seulement, la voilà victime d’une arnaque : de faux policiers la convainquent de leur donner ses économies pour les protéger d’un improbable cambriolage. Prise par la peur, Blaga obéit et attend naïvement de récupérer son bien. Quand elle comprend qu’elle a été flouée, elle rejoint le groupe de malfrats et participe à son tour au détroussage de nouveaux dupes.
Sur cette trame minimale, qui joue sur la vogue consistant à offrir des rôles de bandits à des personnages inattendus, le réalisateur Stephan Komandarev se fraye une voie à part, qui doit beaucoup à l’épaisseur de la figure de Blaga. Magnifiquement campée par la comédienne Eli Skorcheva, elle surprend dès sa première apparition à l’écran. Son visage buté et ses épaules rentrées, la dureté avec laquelle elle parle à ses élèves et son manque d’empathie pour le reste du monde en font une véritable anti-héroïne contemporaine. Pourtant, et c’est là l’une des réussites du film, le spectateur et la spectatrice la suivent avec attention et prennent part à ses émotions.
Ce partage repose en partie sur la distorsion de connaissances entre le public et le personnage : par instants, les spectateur.rices en savent plus que Blaga, devinant avant elle qu’elle est en train de se faire escroquer, selon les règles bien connues du suspense. Mais, à d’autres moments, c’est au contraire la vieille dame qui surprend son public, maintenant l’intérêt de celui-ci. Le jeu sur les points de vue et la focalisation joue donc à plein dans le dispositif dramaturgique.
Enfin et surtout, la progression du film repose sur un crescendo dans le rejet de toute posture morale, son issue inattendue mettant en cause ce qui semblait rester de probité chez le personnage et ses pairs. Toutefois, cette immoralité du personnage, qui ne cesse, avec un rien d’hypocrisie, de se persuader de son honnêteté foncière – elle répète tout au long du film qu’elle a respecté les lois toute sa vie – est à apprécier en regard de la morale, elle-même à géométrie très variable, des autres personnages. Ainsi en est-il de cet entrepreneur de pompes funèbres, qui invoque l’économie de marché pour justifier l’augmentation démesurée et (très) rapide de ses tarifs.
À travers l’évolution du personnage, c’est donc, sans en avoir l’air, une satire de la société actuelle que nous livre Stephan Komandarev, nous interrogeant sur la notion même de morale et de crime : qui, de l’entrepreneur et de Blaga, est le plus coupable ? Blaga’s Lessons apparaît donc comme un film riche en significations, où le prétexte policier ouvre les réflexions plus qu’il ne les ferme.
Blaga’s Lessons, de Stephan Komandarev. En salles le 8 mai.
Visuel ©DR