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« Beetlejuice 2 », la résurection burtonienne

par Georgia Velasco
20.09.2024

Dans ce nouvel opus, on retrouve  un Michael Keaton, toujours aussi fidèle à son personnage, et une Jenna Ortega qui porte toujours si bien les traits de l’adolescente marginale qu’elle avait déjà incarnée dans la série Mercredi (également dirigée par le réalisateur). On entre avec excitation dans ce cirque de l’horreur, entre fantômes fonctionnaires et morts vivants aux égos surdimensionnés.

Le grand retour

À sa sortie en 1988 le film Beetlejuice, deuxième long métrage du réalisateur Tim Burton, se démarque comme une parodie de l’Exorciste, une fable macabre oscillant entre surréalisme et humour absurde. Il est perçu comme une critique de la modernité et du « bon goût », il se moque à la fois des clichés de l’horreur de son époque, mais aussi de ceux de la comédie. Ce ne sont plus les vivants qui veulent se débarrasser des fantômes de leur maison hantée, mais bien l’inverse : une histoire de fantôme vue par eux-mêmes. Le tout orchestré par un Michael Keaton méconnaissable, qui lui vaudra d’ailleurs un oscar pour le meilleur maquillage. Ainsi naît le personnage de Beetlejuice, un semi-mort semi-vivant faisant le lien entre les deux mondes, humour grivois et sens de la punchline indétrônable, Beetlejuice est un anti-héros qui fait sourire ; on l’aime autant qu’on le déteste. Ancré dans la culture populaire depuis maintenant des années, le réalisateur choisit de remettre le couvert en nous proposant un remake, avec les moyens d’effets spéciaux contemporains. Le film est construit comme un classique spin off, il s’ouvre sur la mort de l’un des anciens personnages principaux, le père Charles Deetz. C’est l’occasion pour une réunion de famille où l’on retrouve Lydia Deetz (Winona Ryder), autrefois ado excentrique, maintenant adulte névrosée, Delia Deetz (Catherine O’Hara) devenue artiste de performance, et la nouvelle du cast la fille de Lydia, Astrid Deetz (Jenna Ortega) ; sans oublier le compagnon de Lydia, son producteur et partenaire Rory (Justin Theroux), envahissant et intrusif. La famille se retrouve obligée de cohabiter dans l’ancienne maison familiale, théâtre de toutes les histoires fantasques du premier opus.

En parallèle de ce drame, la narration alterne avec une seconde intrigue dans un « purgatoire » où Danny DeVito est agent d’entretien, Monica Belucci une sorcière mangeuse d’âme et William Dafoe un acteur se prenant pour un policier. Un cast de qualité, qui incarne cependant des personnages de surface,  se moquant presque eux-même de leur propre rôle. Dans ce purgatoire, siège Beetlejuice, cadre supérieur qui gère son bureau des plaintes, qui se retrouve pourchassé par son ex-femme, la fameuse sorcière. Les deux mondes vont se rencontrer une fois de plus, lorsque Astrid va mystérieusement disparaître avec un garçon fantôme…

Un scénario terrifiant contre une esthétique expressionniste

Ce qu’on ne peut pas reprocher au film, c’est le choix de ses décors et de ses couleurs. Burton déjà connu pour sa direction artistique morbide et élégante, se réaffirme dans ce nouveau film avec une ambiance qui rappelle les décors des premiers films expressionnistes allemands. Les formes géométriques surnaturelles et des costumes sont aussi horrifiques que classes, les personnages aussi sanglants que bien habillés. Dans le « purgatoire », les âmes s’y retrouvent dans l’apparat qu’ils avaient au moment de mourir, tête coupée ou membre manquant, l’absence de lumière naturelle fait planer une atmosphère saturée bleu et rouge. Quelque scène proches de la comédie musicale, détache la mise en scène dans un genre plus fantasque, et renforce l’impression procurée par les décors et les effets spéciaux, proches d’un Rocky Horror gothique. Des allusion sont faites au cinéma de genre, avec une référence au cinéma monstrueux de Mario Bava. Le film se moque une fois de plus gentiment du cinéma d’horreur, bien que, cette fois-ci, il ne se cache pas de faire d’avantage partie du registre de la comédie fantastique, légèrement gore.

Cependant cela n’a pas suffi à étouffer le cruel manque de recherche dans la narration ; un nombre incalculable de perches d’intrigues sont tendues sans pourtant jamais être saisies par le scénario, comme si celui-ci était trop occupé à se focaliser sur ses gags absurdes. Si le premier film avait un humour acerbe et piquant, la nouvelle version se contente d’humour de clown Auguste ; on en attendait nettement plus pour la suite d’un film aussi original que fut Beetlejuice. Le speech se résume à un voyage entre les deux mondes, aucun souci d’un quelconque suspense, ou même effort dans la cohérence du chevauchement des évènements. L’évidence devient ennui. On sent que ce film a été plus un amusement qu’autre chose à réaliser, il ne dépasse en rien son préquel, mais vulgarise plutôt l’histoire initiale. Choix de l’auteur ou paresse intellectuelle, le film se range dans la lignée des innombrables remake de films qui ont fondé la pop culture dans les années 80. Non pas que c’était mieux avant, mais cela nous donne plutôt l’impression que la mode n’est pas à se surpasser, mais plutôt à se reposer sur ses acquis. Ce film donne une vague impression de réchauffé, bien qu’il agisse, malgré tout, comme une petite madeleine de Proust pour les fans de l’univers burtonien ; en bref on est un peu déçu, mais en même temps on apprécie de retrouver l’univers cauchemardesque et grotesque du réalisateur.

Beetlejuice Beetlejuice est un film bizarrement familial, qu’on aurait espéré plus excentrique.

Crédit photo : Warner Bros ©