Au sein des sections Découvertes européennes et Visions de l’Est, entre autres, des réalisatrices et réalisateurs trouvent leur manière d’exprimer de la réalité, cette année à Arras.
En cette année 2025 au Festival du Film européen d’Arras, en attendant la Compétition de neuf longs-métrages, on prend le parti de se centrer sur les sections Découvertes européennes ou Visions de l’Est, ou de privilégier les Avant-premières non françaises et signées par les noms qui ne sont pas les plus célèbres. Un chemin qui mène, notamment, à une très belle découverte : Sorda, projeté parmi les Découvertes mentionnées plus haut. Le portrait d’une femme sourde devenant mère avec son compagnon qui, lui, entend : et au final, un travail artistique centré sur le sensible, où forme et fond s’avèrent en parfait équilibre.
On y admire la réalisation tout sauf démonstrative de la cinéaste Eva Libertad, qui offre à suivre de vraies scènes, pas trop longues ou insistantes, mais qui prennent le temps nécessaire pour faire exister situation et questionnements. Avec notamment, les enjeux de cette relation mère-fille, amenant l’héroïne à tenter de faire appréhender sa surdité à son enfant, démarche que son compagnon ne l’aide pas toujours à accomplir. Un travail sur le son et la lumière remarquable accompagne cette finesse d’écriture : des partis-pris qui sont mis au service d’un récit, de situations, et surtout de l’humanité d’un personnage, à savoir l’héroïne, campée par l’excellente Miriam Garlo. Sans compter certaines scènes, qui ne mettent en scène que des personnes sourdes entre elles, et dans lesquelles la réalisation se met au diapason de ces caractères, en évitant une fois encore le démonstratif. Via toute cette finesse, qu’on salue à bras ouverts tant elle éblouit, des éléments de contexte sociaux-économiques sur l’Espagne actuelle se matérialisent tout naturellement, à l’écran.
C’est également tout un contexte, et espagnol encore une fois, qu’empoigne le réalisateur Alberto Rodriguez (La Isla Minima, L’Homme aux mille visages, Le Costard) dans Los tigres, son nouveau thriller. Ses plongeurs industriels sont au bord du gouffre : malades, pauvres, ils voient leur seul moyen de subsistance – la plongée dans des conditions assez extrêmes, via laquelle ils assistent les bateaux marchands qui ont des soucis – sur le point de leur échapper. Le vol et la vente de drogue semble dès lors la seule option. Si, dans ce long-métrage ci, la mise en scène transporte parfois, c’est surtout l’interprétation des acteurs qui frappe. Barbara Lennie et Antonio de la Torre, immenses dans une foule d’autres films, composent des figures en plein dans l’urgence : de leur humanité furieuse surgit tout, toute la substance de ce polar social engagé.
Et par ailleurs, au sein des Visions de l’Est, Le Garçon qui faisait danser les collines emporte lui aussi pas mal le morceau. Le réalisateur Georgi M. Unkovski, macédonien, parvient à donner du souffle à sa peinture d’une ville de montagne – située dans son pays d’origine – où quelque jeunes veulent s’affranchir du cadre très religieux et géré par les hommes qu’on leur impose. Sans compter les difficultés liées à l’élevage, et la pauvreté. Le cinéaste trouve ici la bonne trame et le bon rythme pour faire réfléchir, donnant à voir des figures excellement bien interprétées devant composer lorsque deux mondes s’affrontent. Une édition, en tout cas, où l’on trouve des regards en prise sur le réel très en forme, personnels et brillants.
L’Arras Film Festival se poursuit jusqu’au 16 novembre.
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Visuel : affiche Arras Film Festival édition 2025