Montré au sein des Découvertes européennes, ce long-métrage dose parfaitement chacun de ses éléments et les mêle avec harmonie. Il apparaît au final touchant, intelligent, engagé et original.
Jeune femme indépendante dans une belle relation avec un compagnon entendant, Angela est sourde. Elle se prépare bientôt à la naissance de sa première fille. A l’arrivée de celle-ci, les cartes sont un peu rebattues, et cette relation mère-enfant va demander davantage d’apprivoisement que d’autres.
Particulièrement bien écrit, Sorda ne porte aucun pathos : il vise à peindre le réalisme, mais il sait se concentrer aussi tout simplement sur son récit. Il faut dire que ses interprètes se révèlent tous exceptionnels, aussi. A commencer par Miriam Garlo, qui captive littéralement. On se sent en conséquence plongé à ses côtés, dans sa quête pour bien appréhender toute cette nouveauté à laquelle elle va se trouver confrontée. Parcours au fil duquel des scènes justes mènent à la rencontre d’une société espagnole actuelle où, parfois, la place des sourdes et sourds manque. Puis, au-delà des situations pas forcément simples se produisant avec le père, entendant lui suite à la fameuse naissance, on se passionne pour les tentatives d’Angela ayant pour but de faire se représenter à sa fille bébé sa surdité, données à voir avec beaucoup de grâce.
Tout ceci amenant à saluer les choix et partis-pris de réalisation d’Eva Libertad, signataire du film. Bien évidemment, elle recourt à des procédés sensoriels pour traduire ce que perçoit son héroïne. Mais pour commencer, elle ne convoque pas ces ambiances sonores de manière excessive. On goûte d’autant plus le passage où Angela refait l’essai de chausser son appareil auditif : la façon de faire éprouver ce qu’elle reçoit est alors saisissante, râpeuse, guère agréable en effet. D’autre part, lors de séquences entre elle et ses amies et amis, sourdes et sourds eux aussi, la caméra et le montage paraissent se mettre au diapason de la langue des signes, et se font davantage alertes, produisant un contraste très bienvenu.
Mais au-delà de ces choix-ci, on remarque tout autant les scènes destinées à dépeindre l’univers quotidien de la protagoniste Angela, ce qu’elle traverse, et comment elle y parvient. Baignant dans des teintes volontiers réalistes, ces passages atteignent à une forme de vérité, mais aussi de poésie parfois triste, ou de léger lyrisme dramatique. Un souffle les parcourt, en somme. Les bruissements de la sensibilité de notre héroïne se frottent au monde et à celles et ceux qui le peuplent, jusqu’à produire des effets saisissants, enregistrés avec maestria. Le travail sur la photographie transporte, enfin, tant la teinte des images et leur lumière apparaissent porteuses d’une finesse toute humaine.
Sorda sortira dans les salles de cinéma françaises le 1er avril 2026, distribué par Condor.
L’Arras Film Festival 2025 se poursuit jusqu’au dimanche 16 novembre.
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Visuel : affiche originale castillane de Sorda