Retour sur la deuxième journée au Arras Film Festival de notre envoyée spéciale Camille Griner. Au programme : deux longs métrages en Compétition Européenne, une avant-première et un long de la section « Cinémas du Monde ».
En ce vendredi matin, une foule d’irréductibles spectateurs a bravé le temps maussade pour découvrir The Altar Boys, présenté en première internationale en Compétition Européenne. Le quatrième long métrage de Piotr Domalewski, auréolé de l’Atlas d’Argent et du Prix du Public au Festival d’Arras 2020 pour I Never Cry, déroule les pérégrinations d’une bande de copains enfants de chœur dans une cité ouvrière, révoltés par l’attitude des prêtres face aux injustices sociales. Les jeunes garçons décident alors d’agir en aidant les plus démunis. Et tandis que nos Robin des Bois en herbe tentent de rétablir la justice, la frontière entre le bien et le mal se brouille peu à peu. Coming of age surprenant sur fond de religion et du rapport de l’enfant face à celle-ci, The Altar Boys oscille brillamment entre comédie et drame, appuyé par une mise en scène maîtrisée et un casting épatant de jeunes comédiens. Drôle, mordant et touchant, le film confronte avec tendresse et subtilité la rudesse du monde adulte face aux idéaux qui bercent la jeunesse.
Le cœur déjà à vif, la journée continue avec la projection de I Swear de Kirk Jones, succès inattendu au box-office britannique depuis sa sortie en salles au Royaume-Uni le mois dernier. Le film retrace le parcours semé d’embûches de John Davidson, campé par l’incroyable Robert Aramayo, écossais atteint du syndrome de Gilles de La Tourette, maladie encore très méconnue dans les eighties. Face à ce sujet casse-gueule, le réalisateur britannique s’en sort avec les (grands) honneurs. Sans pathos et sans jamais caricaturer son héros, Kirk Jones allie humour, émotions et pédagogie pour narrer l’histoire extraordinaire de l’homme qui jura involontairement lors de sa remise de l’ordre de l’Empire britannique. Profondément humain et d’une honnêteté à toute épreuve, I Swear bouleverse grâce à l’efficacité de son scénario et de son dosage savamment huilé entre rires et larmes, toujours plein d’affection pour son protagoniste central. Un hommage saisissant qu’on a déjà hâte de revoir sur grand écran.

I Swear © Graeme Hunter
Pour la suite de la journée, direction le Casino d’Arras afin d’y découvrir en avant-première le mystérieux Grand Ciel, premier long métrage d’Akihiro Hata. Le réalisateur japonais basé à Paris plonge dès les premières minutes le spectateur dans une atmosphère industrielle et froide, emplie d’un mystère qui plane sur l’ensemble du film. Quelque part entre le cinéma de Kiyoshi Kurosawa et le récent La Nuit se traîne (2024) de Michiel Blanchart, Grand Ciel mélange habilement les genres et maintient la tension de façon plutôt remarquable d’un bout à l’autre de son récit construit en étau. Portrait social glaçant d’une main d’œuvre exploitée jusqu’à sa déshumanisation, le film aurait pourtant mérité un saut plus affirmé dans le fantastique, ce qui aurait gommé ses quelques longueurs et fragilités scénaristiques. On reste ceci dit épatés par cette première proposition singulière, et largement curieux quant aux prochains projets du réalisateur.
Présenté à la Quinzaine des Cinéastes et auréolé de l’amplement méritée Caméra d’Or au Festival de Cannes 2025, Le Gâteau du Président clôt la soirée en beauté. Véritable pépite aux allures de conte venue tout droit d’Irak, le premier long métrage de Hasan Hadi s’inspire de la propre enfance du réalisateur, qui était écolier lors de la guerre du Golfe dans les années 1990. Ici, il conte l’histoire de Lamia (Baneen Ahmad Nayyef, hypnotique), 9 ans, qui se voit confier la lourde tâche de cuisiner un gâteau pour célébrer l’anniversaire du Président. Débute alors une quête pour dégoter l’ensemble des ingrédients, dans un pays gangrené par la pénurie et un dictateur mégalomane qui fait passer son égo avant le bien-être de son peuple. Filmé à hauteur d’enfant, Le Gâteau du Président émerveille par sa poésie brute et sa critique sociopolitique aussi piquante que finement amenée. Une œuvre délicate et puissante qui fait éclore la grâce en plein chaos.

Le Gâteau du Président © TPC Film LLC
Visuel : The Altar Boys © D. R.