Amal, le film de Jawad Rhalib projetté à l’occasion du 27ème Festival des Œillades à Albi a mis les spectateurs en émoi. Malgré le froid et la pluie, la salle était comble et la participation au vote a explosé les records pour le plébisciter. Le film qui a remporté le prix du public haut la main, est à la recherche d’un distributeur.
L’énergie instantanée qui se dégage de ce film est confondante. On est dans la classe, face à ces élèves et leur désir d’avenir, que l’on regarde à travers les yeux de Lubna Azabal. Elle incarne avec fougue et fébrilité Amal, une professeure de français, qui encourage ses élèves à la liberté d’expression et de penser à travers la littérature et la poésie. Dans une école laïque belge, Amal vole au secours de Monia, l’une de ses élèves agressée et harcelée à cause de son homosexualité.
Mais son franc-parler dérange la communauté musulmane et dépasse le corps professoral. Amal, portée par une révolte intérieure, est déterminée à instruire ses élèves, dénonçant les impostures jusqu’à la tête de l’établissement. Le thème déborde des cours, et l’école n’est plus un sanctuaire. On examine perplexe l’abandon des enseignants livrés à eux-mêmes, le désarroi des chefs d’établissement démunis, et l’incapacité de la police à anticiper.
En tirant le fil de la parole du professeur, d’élève en élève, et jusqu’au cercle familial, le film montre comment en dehors du savoir les consciences se forment en trouvant écho aux promesses réconfortantes. Et comment les idées se transforment en paroles, puis en acte. Mais les ressorts intimes sont les mêmes qui engagent l’embrigadement et le sursaut. Amal gagnera-t-elle son combat contre l’obscurantisme ? Et à quel prix ?
Le long travail d’écriture de Jawad Rhalib propose un regard intelligent sur le phénomène de la radicalisation sinueuse qui gagne jusqu’aux salles de classe dans nos pays occidentaux. Développant un propos réaliste, il a creusé l’intériorité des personnages pour nous connecter à la complexité qui nous entoure. La professeure est une femme, elle-même musulmane et elle est la seule à voir au-delà des postures, la manipulation du spectre politique d’un mouvement islamiste. Monia, pré-ado en construction, ne veut pas taire qu’elle aime les filles et cristallise la confrontation des élèves entre eux. Quant au professeur de religion, il alterne magistralement sous les traits de Fabrizio Rongione un imam récemment converti, au langage à la fois doux et virulent. Bien vu aussi, l’interprétation de Catherine Salée dans le rôle du proviseur qui s’évertue à contenir les digues pour ne pas faire de vague. La défiance est partout.
Militant du bien-vivre ensemble, Jawad Rhalib se sert de son art pour partager un travail documenté et engagé comme notamment dans La Révolution Rose et Au temps où les arabes dansaient où il interroge la place de l’art dans la culture arabe. Cette fois, il a choisi la fiction pour transposer en Belgique dans une école « morale-laïque », la guerre pernicieuse de l’idéologie islamiste radicale qui a conduit notamment à l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty en France. Un film vibrant comme un hommage aux enseignants résistants ; courageux et utile.
Amal, de Jawad Rhalib,avec Lubna Azabal, Fabrizio Rongione, Catherine Salée, 2023, Belique / France
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