Le 19 novembre 2025 sort en salles Franz K., le nouveau film d’Agnieszka Holland. Plus qu’un simple biopic consacré à l’un des écrivains majeurs du XXᵉ siècle, le film établit un dialogue entre l’homme secret qu’était Franz Kafka et la trace qu’il laisse dans notre monde contemporain.
Fascinée depuis son adolescence par l’auteur de La Métamorphose, Agnieszka Holland semblait toute désignée pour lui rendre hommage. Ancienne élève de l’école de cinéma de Prague, la réalisatrice polonaise, connue pour son cinéma humaniste et engagé (Europa Europa, Le Procès de l’herboriste), s’attaque ici à un monument littéraire.
L’idée du film est née après deux tournages à Prague, durant lesquels Holland a ressenti le besoin de retrouver la présence vivante de Kafka : le faire revenir parmi nous, ou lui faire voir le futur . Le résultat n’est pas une reconstitution académique, mais une exploration sensible, presque spirituelle, de l’écrivain et de son regard sur le monde.
Après avoir adapté Le Procès pour la télévision dans les années 1980, Holland revient à Kafka en choisissant une approche immersive et fragmentée. Franz K. ne suit pas un déroulé linéaire : les spectateur.ices pénètrent dans la tête de l’écrivain, entre ses angoisses, ses visions et ses moments de lucidité.
Les proches de Kafka s’adressent directement à la caméra, brouillant la frontière entre fiction et documentaire. Les scènes intimes alternent avec des images mentales où se déploie la perception kafkaïenne de l’existence, ce mélange d’absurde, de terreur et de beauté. À travers ces dispositifs, Holland parvient à rendre visible l’invisible : l’intériorité d’un génie hanté par ses mots.
Le film ne se limite pas à la reconstitution de la Prague du début du XXᵉ siècle. Holland fait surgir le présent : des guides de musée, des touristes et des langues multiples, allemand, tchèque, anglais, japonais, yiddish, témoignent de l’universalité et de la vitalité de l’œuvre kafkaïenne.
Cette pluralité illustre comment Kafka, mort presque inconnu, est devenu un symbole mondial de la condition humaine. S’appuyant sur une lecture minutieuse de sa correspondance, notamment les lettres publiées par Max Brod, la réalisatrice dresse un portrait à la fois ambigu, fragile et profondément fidèle.
Franz K. nous fait voyager entre passé et présent, révélant le poids de l’Histoire sur la mémoire de l’écrivain, notamment à travers la mort de la sœur bien-aimée de Franz, Ottla, victime de la Shoah.
Ce contexte tragique donne une résonance nouvelle à l’œuvre de Kafka : son sentiment d’oppression, son rapport au père, sa quête de liberté. On retient surtout que Kafka vivait pour écrire, convaincu que chaque mot pesait autant qu’une vie. Emporté par la tuberculose en 1924, il laisse derrière lui une œuvre majeure, prophétique, qui continue de parler à notre époque.
Avec Franz K., Agnieszka Holland signe un film profond, vibrant et nécessaire, qui redonne à Kafka sa voix d’être humain avant celle du mythe.
Visuel : © Bac Films